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Flamme verte (la) (2008)
de Mohammad Reza Aslani
publié le mercredi 27 mars 2024

par Francis Guermann
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 27 mars 2024


 


Iran, 2008. Lors d’un voyage en voiture, une jeune femme et ses parents traversent un désert et cherchent à se ravitailler en eau lorsqu’ils aperçoivent une forteresse surplombant la route. Seule la jeune femme parvient à y pénétrer mais les portes se referment derrière elle et disparaissent.


 


 

Prisonnière, elle explore le château et parvient aux appartements du maître de maison. Celui-ci gît mort sur une couche, transpercé de sept flèches. Elle découvre à son chevet un livre qui lui enjoint de lire pendant sept jours et sept nuits les récits qu’il contient et de retirer une à une les flèches jusqu’à ce que l’homme ressuscite. Il est écrit qu’elle deviendrait alors son épouse.


 


 

Mais un peu plus tard la jeune femme recueille une servante qu’elle achète à une troupe de musiciens se présentant au château. Bientôt cette servante cherche à prendre la place de sa maîtresse auprès du maître mort. Selon la mythologie perse, une jeune femme, Nardaneh, est destinée à être mariée à un homme mort.


 


 


 

Le réalisateur Mohammad Reza Aslani s’empare des récits du Syngué Sabour ("La Pierre de patience") (1), et de plusieurs passages du recueil poétique de Ferdowsi, œuvre majeure de la mythologie iranienne (2).
L’ouverture du film peut d’abord faire penser à La Belle et la Bête, (3) mais elle se complexifie peu à peu. Les récits contenus s’emboîtent en une construction savante qui s’affranchit de l’espace et du temps, qui fait des allers-retours entre l’époque contemporaine et la mythologie ; les personnages voyagent entre différentes époques de l’histoire de l’Iran.


 


 

C’est alors plutôt à Œdipe Roi (1967) et même à Médée (1969) de Pier Paolo Pasolini que l’on pense, la cruauté des situations en moins, car une grande douceur traverse les récits. Le conte devient philosophique ; la leçon est subtile par la propension du film et des personnages à agir en miroir. Le miroir est d’ailleurs le leitmotiv visuel et psychologique de ce film, depuis un prologue dans un tribunal où une femme est jugée car son mari lui reproche de se regarder sans cesse dans un miroir, jusqu’à l’épilogue qui est une résolution du sort de Nardaneh par une vérité révélée grâce à des miroirs déformants.
"Je suis, et mouvant, et stable
Je suis une mer noyée en moi-même
Quel étrange océan infini je suis !"

Ce sont les paroles d’un dernier chant obsédant qui clôt le film de manière poétique.

Méditation sur la quête de l’Absolu, accompagnée de chants traditionnels iraniens qui ponctuent le film, La flamme verte est une œuvre onirique et d’une belle finesse, filmée avec un sens de l’espace remarquable et d’une grande beauté visuelle.


 

Réalisé en 2008, méconnu en Occident malgré sa renommée en Iran, le film sort enfin en France. On se souvient de la surprise qu’avait provoqué L’Échiquier du vent, le premier long métrage de Mohammad Reza Aslani, réalisé en 1976, longtemps interdit en Iran et miraculeusement retrouvé, puis restauré (4). Le réalisateur iranien (qui a d’autres cordes à son arc : scénariste, poète, documentariste) n’a réalisé que deux long-métrages de fiction. La Flamme verte est son second et dernier en date.

Francis Guermann
Jeune Cinéma en ligne directe

1. En persan, "Syngué Sabour" est le nom d’une pierre noire magique, une "pierre de patience", qui accueille la détresse de ceux qui se confient à elle. La pierre écoute, éponge tous les mots, tous les secrets, jusqu’à ce qu’un jour elle éclate et tombe en miettes. Ce jour-là, on est délivré de toutes ses souffrances.
C’est aussi le titre d’un roman, et d’un film réalisé en 2013 par Atiq Rahimi, Syngué sabour. Pierre de patience, Jeune Cinéma en ligne directe.

2. Le poète persan Ferdowsî est l’auteur, aux alentour de l’An 1000, du Livre des Rois (Shâhnâmeh) retraçant l’histoire de l’Iran depuis la création du monde jusqu’à l’arrivée de l’Islam. C’est l’un des textes les plus importants de la littérature persane.

3. Le conte La Belle et la Bête a fait l’objet de nombreuses adaptions au cinéma. La plus connue est celle de Jean Cocteau, en 1946.

4. "L’Échiquier du vent", Jeune Cinéma en ligne directe. Le film, sélectionné par la section Ciné Classics du Festival de Cannes 2020, est sorti en salles le mercredi 18 août 2021.


La Flamme verte (Atash-e Sabz). Réal, sc : Mohammad Reza Aslani ; ph : Morteza Poursamadi ; mont : Amine Aslani ; mu : Mohammad Reza Darvishi ; cost : Jila Mehrjui & Sholeh Navabtehrani. Int : Mahtab Keramati, Pegah Ahangarani, Mehdi Ahmadi, Ezzatollah Entezami, Ahou Kheradmand, Farrokh Nemati (Iran, 2008, 110 mn).



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