Miklós Jancsó (1921-2014) est mort l’an dernier, sinon oublié, du moins figé dans une image remontant aux années soixante-dix, celle d’un pur formaliste.

C’est sans doute cet état de fait qui a poussé Émile Breton à entreprendre ce petit ouvrage, qui parcourt chronologiquement la vie et l’œuvre du cinéaste, en ne s’arrêtant pas aux seuls films consacrés. Sa connaissance intime du sujet lui permet d’aller au-delà des évidences et d’esquisser l’unité d’un chemin de vie.
C’est à la découverte d’un pan oublié de l’histoire assez récente du cinéma que nous invite l’auteur. On lui saura gré d’évoquer la filmographie de Miklós Jancsó après la chute du Mur, car ses derniers films n’ont eu aucun écho.

Émile Breton rappelle qu’en art une forme digne de ce nom est par nécessité porteuse de sens. On ne peut que lui donner raison sur ce point, la forme accomplie est le signe visible d’un vrai rapport au monde.
Aussi peut-il écrire, au terme de son parcours : "Ainsi ce qui fait la cohérence profonde de cette œuvre dont on peut mieux, avec le recul, constater la diversité, c’est, loin d’être la constance de formes qu’on a voulu y trouver, le souci de rendre compte, au fil de sa propre évolution, de son rapport au monde. Monde sur lequel il était bien décidé à agir, par l’engagement direct en politique aux premiers temps, par le cinéma ensuite, après avoir découvert le levier qu’il pouvait être. Rapport angoissé passant par la métaphore, avec rappel de grands moments de fracture dans l’Histoire [...] ou plus détendu, embrayant directement sur le présent vécu [...], mais rapport toujours lisible à ceux qui voulaient bien y prêter attention."

De quoi donner envie d’aller voir du côté des rares parutions DVD (chez Clavis Films et Malavida) mettant à disposition une part de l’œuvre du grand Hongrois.

Philippe Roger
Jeune Cinéma n°366-367, été 2015

* Cf. aussi "Miklós Jancsó (1921-2014)", Jeune Cinéma n°377, décembre 2016

Émile Breton, Miklós Jancsó, une histoire hongroise, Crisnée, éd. Yellow Now, 2015, 144 p.