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Driver (1978)
de Walter Hill
publié le mercredi 23 novembre 2022

par Jérôme Fabre
Jeune Cinéma n°364, hiver 2015

Sorties les mercredis 23 août 1978 et 23 novembre 2022


 


Que ceux qui ont (abusivement) aimé le très "tendance" Drive de Nicolas Winding Refn (2011) (1) se souviennent du deuxième film de l’ex-maître de l’Action, Walter Hill. La fameuse (fumeuse) scène d’ouverture du premier est tout entière copiée sur celle de ce petit film nerveux, raide comme un shot de tequila, quasiment entièrement taiseux, où le driver du film ne prononce que 325 mots, sans une once de psychologie.


 


 

Ses personnages ? Des silhouettes désincarnées, des professionnels tout à leur tâche au sein de ce qui n’est pas vraiment une histoire. C’est le cinéma à son point limite d’abstraction, l’équivalent américain de Un flic de Jean-Pierre Melville (1972), cette comparaison étant sans doute plus pertinente que celle du Samouraï (1967), qui est pourtant systématiquement évoqué par la critique, et que Walter Hill tient en haute considération.


 


 

Les personnages n’ont même pas de nom, ils sont, comme dans Macadam à deux voies de Monte Hellman (1971) (2), définis par leur fonction : "The Driver", chauffeur de braquages, "The Detective", à sa poursuite, "The Player", qui manigance entre les deux.


 


 

Ils n’ont qu’un trait de caractère, une typification qui les caractérise tout entier. Ryan O’Neal est un exécutant totalement transparent, ce qui est parfait, que peut-on demander d’autre à Ryan O’Neal ? Isabelle Adjani est une femme fatale vaporeuse, et Bruce Dern, un flic obsessionnel.


 


 

The Driver est un film "soul", un film d’impressions, que Michael Mann tentera toute sa vie d’imiter, sans succès. Le film est magnifiquement, et sans ostentation, restauré, lorgnant délicatement vers Dennis Hopper.


 


 

Il réserve de grands moments de mise en scène : outre le découpage de la course-poursuite en prologue, le champ-contrechamp final est l’un des plus foudroyants moments de cinéma qu’il soit donné de voir. Accompagné par la partition atonale de Michael Small, compositeur indissociable des films noirs des 70’s, The Driver peut paraître outrageusement stylisé à ceux qui goûtent peu le maniérisme, mais il demeure néanmoins objectivement un formidable geste de cinéma.

Jérôme Fabre
Jeune Cinéma n°364, hiver 2015

* En DVD, chez Studiocanal.

1. "Drive", Jeune Cinéma n°338-339, juillet 2011.
Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2011.
Prix de la mise en scène.

2. Cf. "Monte Hellman (1932-2021)", Jeune Cinéma n°287, janvier-février 2004.
Cf. aussi "Entretien avec Monte Hellman", Jeune Cinéma n°287, janvier-février 2004


Driver (The Driver). Réal, sc : Walter Hill ; ph : Philip H. Lathrop ; mont : Tina Hirsch et Robert K. Lambert ; mu : Michael Small ; déc : Harry Horner. Int : Ryan O’Neal, Isabelle Adjani, Bruce Dern, Ronee Blakley, Matt Clark, Felice Orlandi, Joseph Walsh, Rudy Ramos (USA-Grande-Bretagne, 1978, 91 mn).



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