En 2019, le premier titre de Erwan Le Duc, Perdrix (1), nous avait surpris par son invention et sa tonalité. Il est rare de se trouver devant un scénario foutraque aussi pleinement assuré, sans volonté insistante, à la Quentin Dupieux, d’en mettre plein la vue. L’incongruité y coulait de source. On craignait, raisonnablement, le passage au second film : feu de paille ou confirmation d’un auteur ? C’est la dernière hypothèse qui prévaut, devant cette description d’une famille monoparentale biscornue, à la chronologie joueuse.

Outre le plaisir d’une narration toute en aspérités et saillies, multipliant les scènes inattendues (et remarquablement réalisées, telle la rencontre triangulaire finale à Nazaré entre les protagonistes principaux, le père, sa fille et la mère, volontairement disparue après sa naissance), on se trouve face à une pléiade (à la lettre : on en a compté sept) d’acteurs épatants, qui ont su se glisser harmonieusement dans l’univers du réalisateur.

En premier lieu, Céleste Brunnquell, la comédienne la plus neuve du cinéma français, qu’on ne cesse d’admirer depuis sa prestation dans Les Éblouis de Sarah Suco (2019), via la saison 1 de la série En thérapie de Éric Toledano & Olivier Nakache (2021) et dans ce Fifi de Paul Santillan & Jane Aslan (2022) enfin dans les salles.

Sur le même plan, il faut citer Nahuel Pérez Biscayart, trop peu utilisé dans le cinéma hexagonal, que l’on n’imaginait pas dans un rôle de père aussi attachant. Quant à Maud Wyler, déjà du voyage dans Perdrix, on la savait capable de tout incarner, de la fille de Corinne Masiero dans Louise Wimmer de Cyril Mennegun (2012) à la morte renaissante de La Place d’une autre de Aurélia Georges (2021). Elle est, encore une fois, étonnante (2).
Dans la jeune équipe des cinéastes français, on peut ranger Erwan Le Duc parmi les plus prometteurs.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°423, été 2023

1. "Perdrix", Jeune Cinéma n°395, été 2019

2. "Louise Wimmer", Jeune Cinéma n°342-343, décembre 2011 ; "La Place d’une autre", Jeune Cinéma en ligne directe.

La Fille de son père. Réal, sc : Erwan Le Duc ; ph : Alexis Kavrychine ; mont : Julie Dupré ; mu : Julie Roué ; déc : Astrid Tonnelier ; cost : Élisa Ingrassia. Int : Nahuel Pérez Biscayart, Céleste Brunnquell, Maud Wyler, Camille Rutherford, Nicolas Chupin, Mohammed Louridi, Mercedes Dassy (France, 2023, 91 mn).