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Alabama (2000 Light Years) (1969)
de Wim Wenders
publié le dimanche 1er avril 2018

par Lucien Logette
Jeune Cinéma hors série, Wim Wenders, décembre 1989.

Inédit en France (1)


 


En novembre 1968, Wenders regroupe quelques amis, un chef-opérateur inconnu (Robby Müller) et qui ne le quittera (presque) plus. Et sur un scénario réduit à quelques situations, il réalise Alabama (2000 Light Years), court métrage de 20 minutes, en noir et gris.


 

Ni le thème de John Coltrane, ni la chanson des Rolling Stones qui figurent sur la bande-son et prêtent leurs titres au film n’en constituent la clé.
Wenders l’a déclaré plusieurs fois : Alabama a été conçu pour véhiculer la chanson de Dylan, All Along The Watchtower - ou plutôt pour matérialiser la différence entre les deux versions, celle du maître et celle de Jimi Hendrix.


 

Objectif atteint ?
Une chose est sûre : la flamboyante obscurité du texte original, un des plus métaphoriques de l’album John Wesley Harding, trouve un équivalent certain à l’image.


 


 


 

On ne saisit qu’à peine ce qui s’y passe : une bande réunie dans une arrière-salle, un pistolet qu’on échange, un contrat mystérieux, un retour au café plein de cadavres, une longue fuite en voiture où la caméra bascule - mort du protagoniste ou mort du cinéma ?


 

Ni bouffon, ni voleur, comme dans la chanson, ni servante aux pieds nus, mais des personnage pour qui "the life is but a joke" ; et lorsque la voiture s’enfonce interminablement dans un paysage enneigé, on peut imaginer que "le vent a commencé à hurler", tandis que "les deux cavaliers" (de l’Apocalypse) "approchent".


 


 

De toutes façons, transposition ou non de Dylan - et Alabama pourrait s’untituler Mixed-Up Confusion, autre titre de Bob -, Wenders est déjà là, tout entier, non dégrossi.

Certes, le film doit beaucoup à l’avant-garde qui se pratiquait alors, underground new-yorkais et premiers Straub.
Mais ces travellings obstinés, ces cadrages rigides, cette déambulation mystérieuse, cette présence constante de la musique pop, on les retrouvera, de Summer in the City à Au fil du temps. Plus élaborés, mieux justifiés par la maîtrise d’un style ici encore tâtonnant.


 


 

Alabama, vingt et un ans après (2), offre une saveur intacte de film cru. Et la bande-son, de The Wind Cries Mary de Jimmy Hendrix au 2000 Light Years From Home des Stones, en passant par les deux versions de All Along The Watchtower déjà citées, demeure magnifique.

Lucien Logette
Jeune Cinéma hors série, Wim Wenders, décembre 1989.

1. Le film a été présenté au Festival de Mannheim en octobre 1969, et à celui de Taipei en 1999. En 2015, il a été redécouvert, et on a pu le voir à Cleveland, Chicago et Vancouver. Il est surtout passé dans une rétrospective Wim Wenders du MoMA (2-17 mars 2015).

2. NDLR : Le film date de 1969, le numéro spécial Wim Wenders de Jeune Cinéma date de 1989. En 2018, c’est toujours vrai.

Alabama (2000 Light Years). Réal, sc, mont, son : Wim Wenders ; ph : Robby Müller. Int : King Ampaw, Christian Friedel, Peter Kaiser, Werner Schroeter (Allemagne, 1969, 21 mn).



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