Jeune Cinéma n°404-405 - hiver 2020
Édito & sommaire
publié le samedi 26 décembre 2020

JEUNE CINÉMA n°404-405, hiver 2020


 

Couverture : Angela Molina, Cet obscur objet du désir (Luis Buñuel, 1977)

Quatrième de couverture :
Claude Chabrol, en vacances, après guerre (collection privée)

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ÉDITO Jeune Cinéma n° 404-405, hiver 2020

 

Claude Chabrol confiait un jour en riant qu’il n’avait jamais rédigé une dissertation d’examen sans placer la phrase-balançoire de Paul Valéry "Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles".
Le futur académicien écrivait ceci à une époque autrement dramatique, 1919, entre les millions de morts de la guerre (vingt) et les millions de morts de la grippe espagnole (cinquante).
Sans aller jusque-là, nous découvrons aujourd’hui que notre société hyper moderne, protégée par les techniques les plus avancées, reste démunie face aux descendants de la bestiole d’il y a cent ans et en est à vaciller sur des bases que l’on croyait plus résistantes. Inutile de jouer les cassandres, le monde de 2021 et la suite s’en relèvera comme il pourra. Une certitude : grâce aux bienfaits de la globalisation, chacun subira la même peine que son voisin.

Au moins aurons-nous appris que tout ce que nous croyions nous aider à vivre, les livres, les films, les tableaux, la musique, n’était que de l’écume du temps et qu’il était plus essentiel d’acheter une paire de chaussettes que d’entrer dans une salle de cinéma.
L’art, sous tous ses aspects, réduit à une fonction d’agrément, de divertissement pour période calme : on ne remerciera jamais assez les détenteurs provisoires du pouvoir de nous avoir enfin ouvert les yeux. Il ne nous reste qu’à tenter de rattraper toutes ces années perdues à regarder bouger des images ou à feuilleter des grimoires. Mais que faire, comme disait un écrivain russe, lorsque l’on n’a jamais su faire que ça ? C’est sur ce point d’interrogation que s’achèvera cette annus horribilis.

Mais il est certain que la prochaine s’ouvrira sous les mêmes auspices. La promesse de réouverture des salles n’est qu’une carotte brandie sous le nez des professionnels pour qu’ils conservent un peu d’espoir plutôt que de mettre immédiatement la clé sous le paillasson. Et si la date du 6 janvier 2021 était respectée, sait-on jamais, on n’ose imaginer la confusion générale : quid des centaines de films programmés, reportés, sortis mais interrompus, depuis mars 2020 ? Combien d’exploitants hors des grands circuits auront eu les reins suffisamment solides pour supporter ce lock-out interminable ? Tous les amateurs contraints de se rabattre sur les plateformes de flux pour trouver leur pâture et qui y ont forcément pris goût reprendront-ils le chemin vers les salles comme si de rien n’était ? On le saura vite. Il n’empêche que, comme le titre du standard de Duke Ellington, "Things ain’t what they used to be" : pour l’anniversaire, le 28 décembre 2020, de ses 125 ans, le cinéma aura franchi un passage. Et l’annonce faite par la Warner de distribuer sa production de l’année (quarante et un films) dans les salles et en streaming immédiat est l’acte fondateur d’une nouvelle ère.

De ce tohu-bohu, la rubrique Actualités de ce numéro porte la marque : parmi la quinzaine d’articles, certains concernent des films déjà sortis (et déjà disparus), des films qui pourront être vus, d’autres qui ne le seront peut-être pas - comment savoir ?
Nous attendons, depuis avril 2020, Pour l’éternité, le film de Roy Andersson, primé à Venise en septembre 2019…
Quant aux festivals à venir, bien malin qui prédira la forme qu’ils prendront, puisque celle-ci sera suspendue aux décisions sanitaires édictées au fil de la pandémie. Aussi frustrantes que soient les conditions dans lesquelles se sont déroulés les derniers fréquentés, Bologne, Venise ou Lumière à Lyon, ils ont eu lieu, en vrai et pas en ligne. Un festival sans public n’est qu’une longue série de VOD. On saura d’ici peu ce que sera la Berlinale 2021.

Pendant le confinement, nos travaux ont continué.
La revue a choisi de faire la part plus belle au cinéma qui s’est fait qu’à celui d’aujourd’hui. Comme écrivait Jean George Auriol, toujours en exergue de notre site préféré, http://www.jeunecinema.fr/ l’actualité, c’est nous qui la créons.

Gérard Mordillat n’a pas tourné pour le grand écran depuis Le Grand Retournement, il y a sept ans. Qui oserait dire que son œuvre, depuis 1983, n’est pas traversée par des questions toujours présentes ?
Et Claude Chabrol, ce n’est plus du cinéma d’aujourd’hui ? On aimerait que l’on nous cite un réalisateur en activité qui sache mêler à son égal l’aisance et la précision, la maîtrise d’un genre et sa critique, la clarté apparente et les sous-images cryptées, comme le prouvent les deux ouvrages récemment parus évoqués dans ces pages.
Certes, Pierre Louÿs et Augusto Genina parlent sans doute moins à des spectateurs actuels, mais c’est la fonction de Jeune Cinéma de persister à arpenter des chemins peu frayés.
Les disparitions n’ont pas fait relâche.
Aux amis de la maison, Philippe Haudiquet, qui écrivit jadis dans nos pages (1), Nelly Kaplan et Paule Pagliano, compagne de notre ami Jean-Pierre, indissociable de tous les articles qu’il a publiés ici, ajoutons Michel Robin et Kim Ki-duk, l’acteur pour les émotions qu’il a éveillées et le cinéaste pour les quelques points sublimes qu’il a parfois atteints. (2)

Nous annoncions, dans le numéro précédent (402-403), la parution d’un coffret Pierre Prévert, avant-dernier degré dans la reconnaissance de son œuvre complète. Les circonstances ont causé quelque retard dans sa réalisation, mais il devrait être accessible en janvier 2021, excellente manière de commencer l’année de façon consolante. Nous y reviendrons évidemment dans notre numéro de février 2021, premier d’un millésime qu’on espère moins redoutable.

Lucien Logette

P.S. : Gérard Amsellem, auteur de la photographie de la p. 174 du n° 402-403, nous a fait savoir qu’il était également celui de la photo centrale de la p. 178, un des éléments qui avaient servi au photomontage publié. Dont acte. En revanche, l’auteur du graffiti bien connu du mur de l’Institut Lumière, Julie, je t’aime, est toujours anonyme.

1. Philippe Haudiquet (1937-2020) collaborateur régulier de Image et Son, a écrit dans Jeune Cinéma n°7, mai 1965, pour un film qui lui tenait à cœur, J’ai vingt ans de Marlen Khoutsiev (1965).
Jeune Cinéma a rendu compte de la parution d’un DVD consacré à ses œuvres, dans le n°391 de décembre 2018, avant d’apprendre sa mort, au mois d’octobre 2020.
Cf. Retour sur Philippe Haudiquet et Il était une fois le Larzac.

2. En dernière minute, nous avons appris la mort de Claude Brasseur, mais le numéro papier était bouclé.



 

SOMMAIRE Jeune Cinéma n°404-405, hiver 2020

 

Cinéma français
 

* Le ton et la manière. Sur dix films de Gérard Mordillat, par Lucien Logette.

Du monde entier
 

* Bon anniversaire à l’anachorète de Rolle, par René Prédal.

Festivals
 

* Biarritz Amérique latine 2020, par Alain Souché.
* Festival du film arabe Fameck 2020, par Francis Guermann.
* Cinéma méditerranéen Montpellier 2020, par Alain Souché.

Documentaires
 

* Retour sur Gérard Guérin, par Robert Grélier.
* The Secret Room par Nicole Gabriel.

Patrimoine
 

* Forever Chabrol. Sur quelques livres récents, par Lucien Logette.
* Rencontre avec Laurent Bourdon et Patrick Saffar, par Lucien Logette.
* Pierre Louÿs, Les femmes aux pantins, par Philippe Roger.
* Musidora-Pierre Louÿs, par Lucien Logette.
* Ida Lupino cinéaste, par Nicole Gabriel.
* Inferno 25, par Jean-Paul Combe & Vincent Heristchi.
* Augusto Genina en quatre films, par Lucien Logette.

DVD
 

* Glanures, de Christian-Jaque à François Ozon, par Philippe Roger/
* Chronique de l’hiver 2020, par Jérôme Fabre.
* Yasujiro Ozu en couleurs, par Francis Guermann.
* Claudio Santiago, The Last Poets, par Robert Grélier.

Expérimental
 

* Marc-Gilbert Guillaumin, présentation par Lucien Logette.
* Rencontre avec Marc’O, par Nicolas Villodre.

Exposition
 

* Artavazd Pelechian, par Gisèle Breteau Skira.

Cinéma et Peinture
 

* Toute la mémoire du surréalisme XIV. Kay Sage, par Robert Grélier

Actualités
 

* Le Feu sacré, par Bernard Nave.
* Rouge, par Gisèle Breteau Skira.
* Petite fille, par Nicole Gabriel.
* Il mio corpo, par Sylvie Strobel.
* City Hall, par Bernard Nave.
* Je voulais me cacher, par Gisèle Breteau Skira.
* La Saveur des coings, par Nicole Gabriel.
* Attarabi & Mikelats, par Jean-Max Méjean.
* L’Homme qui a vendu sa peau, par Gisèle Breteau Skira.
* Ce pays qui se tient sage, par Bernard Nave.
* La Vengeance d’un acteur, par Nicole Gabriel.
* Ibrahim, par Francis Guermann.
* L’Arbre, par Gisèle Breteau Skira.
* Qui chante là-bas ?, par Nicole Gabriel.
* Billie, par Bernard Nave.

Divagations
 

* La solitude du caveau, par Louis Lopparelli.
* Le dictionnaire des images reçues, par Patrick Saffar.

Livres
 

* Richard Burton, Journal intime, par Nicolas Villodre.
* N.T. Binh, Camille Boui & Jean-Paul Figasso, éds., Mettre en scène théâtre et cinéma, par Jean-Max Méjean.
* Claude Ollier, Ce soir à Marienbad et autres chroniques cinématographiques, par Jean-Max Méjean.

Nécrologie
 

* Paul Leduc (1942-2020), par Robert Grélier.

Humeurs
 

* Noir sur la salle obscure ? par Bernard Chardère.


JEUNE CINÉMA n°404-405, hiver 2020



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