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Journal de Adja Cissokho (édito 2024)
Édito
publié le lundi 1er janvier 2024


 

ÉDITO 2024

 



Cette année 2024 est une année particulière : le site de Jeune Cinéma fête ses dix ans, tandis que la revue papier fêtera ses 60 ans en septembre.
Nous avons eu envie de relire les dix éditoriaux du site, au début de chaque année, et de vérifier la pertinence du choix de nos personnages porte-parole. Une façon de vérifier où nous étions, où nous en étions, peut-être aussi de tenter de distinguer les embranchements ratés, les césures, les rebonds.
La vision du monde n’a guère changé en 10 ans : une évidente mélancolie, pour ne pas dire de désespoir, devant cette espèce humaine qui ne deviendrait jamais le "genre humain". Il y avait un système qu’on refusait pour les inégalités qu’il engendrait et qui allait très mal, il y avait eu un autre système qui avait déraillé, il n’y avait plus grand chose, à part quelques valeurs, quelques souvenirs de mirages. Tous les récits se délabraient.

C’est insensiblement qu’on est passé de "l’insurrection qui vient" (et n’est jamais venue) à la catastrophe qui vient (et est devenue inéluctable).
Mais dès 2015, pour nous, à travers le regard de Old Gringo, le journaliste ironique, les enjeux ont commencé à ne plus être locaux mais planétaires. Le site a établi la rubrique Anthropocène (filmographie, bibliographie, chroniques). On abordait une nouvelle époque, de transition, tout était déjà en germe dans nos esprits. Dès 2016, la petite Hushpuppy avait une pensée juste : "L’univers tout entier marche bien quand tout est à sa place. Si un morceau se casse, même un tout petit morceau, tout l’univers se cassera". Et dès 2017, Ben Cash tentait de mettre en application ce savoir.
Tout était en germe, mais dans le désordre, les éléments d’un grand puzzle en train de se dessiner, dont on distinguait mal les articulations et les déterminismes : attentats, guerres de religion ou de territoires, pillage de la planète, migrations nécessaires et pourtant refusées, et aussi catastrophes qui semblaient naturelles (séismes ou éruptions volcaniques) et s’avéraient être amplifiées par l’action humaine. Satan conduisait le bal. Et les châtiments se profilaient.

Aujourd’hui, l’espèce humaine, toujours animale et cruelle, dans des sociétés de plus en plus fragmentées, s’obstine à s’auto-détruire. Elle croit pouvoir devenir abstraite impunément, et se pense désormais au dessus des éco-systèmes naturels, oubliant qu’elle en dépend, qu’elle en dépendra toujours, que chaque corps est un minuscule morceau du grand cosmos. Sur la Terre, les mâles dominants jouent à réinventer des lois à la vraie guerre, qui, par définition, n’en a aucune. Et, dans les zones de paix, la vie continue, au jour le jour, un présent après l’autre, dans les intérêts immédiats, aucune leçon du passé, aucun projet d’avenir, juste le cours du temps et, en direct, son excès d’informations qui revient à leur dévaluation.

La petite Chinoise Shi-wei disait déjà que 2022 serait "l’année de tous les dangers". Ce fut l’année "la plus chaude jamais enregistrée". Et si les guerres n’ont jamais cessé de par le monde, celle d’Ukraine - qui était prévisible -, fut la plus spectaculaire. En 2023, nous avions convoqué un revenant qui savait ce que pouvait être le monde d’après : Solomon Roth. L’année confirma les pronostics, les éléments se sont déchaînés et ont battu les records de tous les temps. Un nouveau génocide s’amorça, toujours en cours, cette fois sous les yeux de l’humanité entière, impuissante.

En 2024, nous n’avons plus aucun doute : Pour le climat, il est trop tard et on peut seulement essayer de s’adapter, vite. Pour les guerres, les génocides, les fascismes en embuscades de plus en plus visibles, on peut juste résister, énergiquement.


 


 


 

Au lieu de plaindre les jeunes générations qui vont écoper, Jeune Cinéma a décidé de leur faire confiance. Cette année, nous avons choisi comme porte-parole une jeune fille aux cheveux bleus, Adja Cissokho, qui, elle, s’est trouvé un horizon.
Avec son amoureux, Arthur, ils sont au bord de l’abîme. Mais ils apprennent à se battre, et personne ne peut détruire ce qu’ils ont construit dans leurs têtes et dans leurs cœurs.
Est-ce qu’on est foutu ? Non, on est déterminé !

Anne Vignaux-Laurent
 

* L’Horizon de Émilie Carpentier (2021).
Adja Cissokho : Tracy Gotoas.
Arthur Salvio : Sylvain Le Gall.



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