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Évolution (2015)
de Lucile Hadzihalilovic
publié le mercredi 16 mars 2016

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 16 mars 2016

Sélection du Festival international du film de Toronto 2015.
Prix spécial du jury au Festival de Saint-Sébastien pour 2015


 


On est d’emblée impressionné par la qualité intense et puissante des images, et de ce grondement sous-marin dont on pressent qu’il est plus réaliste que le silence de Cousteau. Et, au début, le film s’annonce facile.


 

Nicolas a onze ans. Expressif, familier, déjà beau, il vit avec sa mère dans un village au bord de la mer.
Mais le village est isolé, peuplé uniquement de femmes et d’autres petits garçons, son centre est un hôpital déshumanisé. Tout est sombre. L’enfant a un soupçon, il veut avertir ses camarades de la duplicité de ces jeunes femmes blêmes et déterminées qui se présentent comme leurs mères, leurs gardiennes, leurs infirmières.
On entre très vite dans un autre monde, étrange et très obscur.
Les femmes organisent la reproduction, veillent à la pérennisation du programme, comme des robots. Tout est contrôlé… ou presque puisqu’une infirmière déroge à la règle et que les bourrasques marines dominent le village.


 


 

Il est difficile de ne pas voir ce film comme le second volet d’un diptyque, dont le premier volet serait Innocence (2004).

Dans Innocence (1), il n’y avait que des petites filles, dans une belle lumière d’été, encadrées par une Mademoiselle Œdipe. On leur apprenait que l’obéissance était le seul chemin qui menait au bonheur. On leur apprenait à danser et à rester à l’intérieur. La quintessence de l’éducation des filles.

Dans son nouveau film, Évolution, Lucile Hadzihalilovic propose un second univers quasi symétrique du premier : elle s’occupe, cette fois, des garçons.

Dans Innocence, elle présentait la face sociale de la construction de petites filles, dans l’étrangeté d’un univers esthétique issu de chez Balthus.
Dans Évolution, pour les petits garçons, elle fouille du côté des origines biologiques (aquatiques, comme chacun sait) et elle les fait trafiquer par des humaines.


 


 

Comme prenant à rebours ironiquement toute la problématique beauvoirienne tout en la confirmant, à partir d’un thème (les mutations actuelles des genres), elle propose ses variations : une sorte de vagabondage imaginaire, une exploration des hypothèses.

Impossible de classer ses films dans un genre défini. Certes ils peuvent être programmés à Avoriaz ou à Gérardmer (2), deux festivals qui ont retenu le terme de "fantastique" pour définir la variété de leurs propositions, science-fiction, horreur, gore, et autres thriller. Lucile Hadzihalilovic, à propos de son travail, parle de "cinéma métaphorique", et c’est sans doute sa meilleure définition.

Évolution est surtout un très beau film, fantastique et glaçant, dont la beauté amplifie la cruauté somnambule. Mais comme les échappées poétiques du romantisme noir, s’il est mélancolique, il n’est pas pessimiste. Il semble bien qu’il y ait, ailleurs, encore un monde vivable susceptible d’un autre avenir.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe (mars 2016)

1. Innocence (2004), d’après la nouvelle de Frank Wedekind, Mine-Haha (1903).

2. Le festival international du film fantastique d’Avoriaz (1973-1993) a été suivi par son homonyme de Gérardmer depuis 1994. Leurs programmations sont semblables. Mais qu’y a-t-il de commun entre Duel de Steven Spielberg (1973) et Deux sœurs de Kim Jee-woon (2003) ? Entre Soleil vert de Richard Fleischer (1974) et Elephant Man de David Lynch (1980) ? Entre Scream de Craven (1997) et Babycall de Sletaune (2011) ?


Évolution. Réal. Lucile Hadzihalilovic ; sc : L. H. et Artlanté Kavaïté ; ph : Manu Dacosse ; mont : NassimGordji-Tehrani ; déc : Laïa Colet ; cost : Jackye Fauconnier ; mu : Zacarias M.de la Riva, Jesùs Diaz, Michel Redolfi. Int : Max Brebant, Julie-Marie Parmentier, Roxane Duran (France-Espagne-Belgique, 2015, 81 mn).



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