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Illégitime (2015)
de Adrian Sitaru
publié le mardi 7 juin 2016

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 373, mai 2016

Sélection du Forum au festival de Berlin 2015.
Prix CICAE

Sortie le mercredi 8 juin 2016


 


Illégitime s’inspire puissamment du manifeste Dogma 95 (1), en continuant à respecter, plus ou moins, les règles strictes que les cinéastes danois ont abandonnées. Le film commence d’ailleurs comme Festen de Thomas Vinterberg (1998), tant sur le plan du thème que des couleurs marronnasses pour traduire une ambiance glauque.
Une famille se réunit pour fêter quelque événement, autour du père veuf, et l’on sent déjà, dans la voiture qui conduit quatre des protagonistes à l’appartement familial, une tension palpable.


 

Lors de ce fameux déjeuner, le père va faire une révélation qui va troubler les relations entre lui et ses enfants, sans se transformer en psychodrame comme chez Thomas Vinterberg, mais en violente dispute. Il ne s’agit pas, cette fois, de pédophilie, mais simplement de prise de positions du père lorsqu’il était médecin à l’époque de Nicolae Ceausescu. Délicatement et sans emphase, le film se dirige alors vers des drames non-dits, des situations pas claires entre ces frères et sœurs, jusqu’à ce qu’on découvre l’inavouable secret qui unit Roméo et Sasha, frère et sœur jumeaux et qui va finalement installer le père dans son rôle de patriarche anti-avortement dans la scène finale de réconciliation qui clôt le film.


 

Réalisé en improvisant à partir d’un texte théâtral écrit par Alina Grigore, qui interprète Sasha, le film est d’une intensité qui tient le spectateur en haleine. On peut se demander cependant ce qui justifie le titre : qu’est-ce qui est illégitime dans cette histoire familiale ? L’enfant qui naîtra de l’inceste, le rôle du père, la morale du film, qui évolue vers une grinçante happy end, alors que la chute aurait pu être inspirée du mythe grec des Atrides ?
La fin est très inquiétante et mériterait discussion, d’autant que le film se ferme sur une photo de famille presque élargie, avec, à l’écart, la fille aînée, Ema, qui semble jeter sur cette histoire un œil désapprobateur - possibilité d’une suite ?


 

Magnifique réflexion sur l’amour et la paternité, le film offre une base de réflexion et d’inspiration autour de la méthode de travail choisie par Adrian Sitaru, qu’il explique : "Les acteurs avaient ici des objectifs précis chaque jour, mais personne ne savait comment une scène finirait, et nous ne faisions qu’une seule prise pour chaque scène. Je souhaitais faire un film très proche du documentaire d’observation, mais qui soit également une fiction, un film hybride. Le montage a d’ailleurs été proche de celui d’un documentaire. Après douze jours de tournage, nous avions dix heures d’images enregistrées. Et j’ai d’abord laissé le monteur chercher et trouver sa propre histoire dans ce qui avait été tourné, avant de véritablement travailler avec lui".

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 373, mai 2016

1. "Dogma 95. Un manifeste, dix règles et quatre films", Jeune Cinéma n°259, janvier 2000.


Illégitime (Ilegitim). Réal : Adrian Sitaru ; sc : A.S. & Alina Grigore ; ph : Adrian Silisteanu ; mont : Théo Lichtenberger & Mircea Olteanu. Int : Adrian Titieni, Alkina Grigore, Robi Urs, Mihaela Parianu (Roumanie, 2015, 89 mn).



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