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Colonia (2015)
de Florian Gallenberger
publié le mardi 19 juillet 2016

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 20 juillet 2016


 


Voici un film efficace qui tombe pile au moment où démocraties et dictatures mondiales s’enfoncent encore un peu plus dans les privations de liberté.

On a souvent parlé au cinéma de la dictature chilienne, notamment il y a peu avec No de Pablo Larrain (2012), ou jadis Missing de Costas-Gavras (1982), ou Il pleut sur Santiago de Helvio Soto (1975), mais jamais vraiment en s’appuyant aussi précisément sur le fameux camp de torture de la Colonia Dignidad.

Car le film de Florian Gallenberger est presque autobiographique : comme Lena, l’héroïne du film, magnifiquement interprétée par Emma Watson, le réalisateur a réussi à infiltrer cette secte et à enquêter auprès des personnes qui y ont été détenues, voire torturées. Ce film pose encore l’éternelle question qu’on retrouve toujours lorsqu’on visite les camps d’extermination nazis, à savoir : "Comment cela a-t-il été possible ?"
De même ici, comment l’Allemagne, et notamment l’ambassade allemande au Chili, a-t-elle pu aider, cacher cette secte qui a servi pendant la dictature de Pinochet, mais bien au-delà puisqu’elle a existé pendant plus de quarante ans. Sans que l’on sache bien cependant s’il s’agit de l’ambassade ouest-allemande ou est-allemande…


 

Sous couvert d’être une sorte de centre religieux, la colonie a servi le régime fasciste chilien à torturer, emprisonner, humilier et tuer de nombreuses personnes.
À sa tête, un prêtre charismatique, ami personnel de Pinochet, allié objectif du régime mais aussi de l’Allemagne post-nazie.


 

En le voyant agir, on ne peut s’empêcher de faire le lien avec les camps d’extermination, mais aussi avec toutes ces sectes criminelles qui pullulent en Amérique et dont on parle de temps en temps lorsqu’elles organisent, par exemple, des suicides collectifs.
Outre la question du fascisme, et du sadisme des dirigeants, Colonia pose la question de cette sorte de fascination ou de ce mutisme face à ces agissements et dérives qui font preuve de la noirceur des desseins humains.
Comment Paul Schäfer, prêtre pédophile et sadique, a-t-il pu, quarante ans durant, asservir ses fidèles et abuser sexuellement de leurs enfants, sous les yeux de tous, en utilisant la Bible comme raison ?
C’est toujours la question qui revient en boucle à chaque fois qu’on découvre un tortionnaire pervers et protégé.


 

Y a-t-il une réponse, sinon celle de la collusion du pouvoir et de la terreur.
Le film, construit jusqu’au bout sur le registre du suspense, fonctionne bien, jusqu’à sa fin improbable mais qui redonne enfin espoir en l’humanité.
Il est servi par un ensemble d’acteurs parfaits comme Emma Watson, déjà citée, Daniel Brühl ou encore Michael Nyqvist, terrifiant en prêtre machiavélique.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Colonia. Réal, sc : Florian Gallenberger ; sc : Torsten Wenzel ; ph : Kolja Brandt ; mont : Hansjörg Weisbrich ; mu : André Dziezuk, Fernando Velazquez. Int : Emma Watson, Daniel Brühl, Michael Nyqvist, Richenda Carey, Vicky Krieps (Allemagne-Luxembourg-France, 2015, 110 mn).

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