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Sieranevada (2016)
de Cristi Puiu
publié le mardi 2 août 2016

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 374, été 2016

Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2016

Sortie le mercredi 3 août 2016


 


Le film commence par une séquence quasiment expérimentale où la caméra, immobile, enregistre un couple tentant de garer sa voiture, un samedi après-midi très affairé. La scène dure dix minutes. Madame s’époumone, Monsieur n’entend pas et vice-versa, le spectateur n’y voit goutte.


 

Les trois heures qui suivent se déroulent à huis clos, dans un trois-pièces HLM de Bucarest.

Parents et amis, toutes générations confondues, affluent. Dans une minuscule cuisine, les femmes préparent force plats spectaculaires tandis que les hommes entrent et sortent, perpétuellement appelés ailleurs par un coup de fil. L’attention finit par se concentrer sur trois mâles autour de la quarantaine, qui discutent le bien-fondé de la théorie du complot à partir de l’attentat contre Charlie Hebdo, sans oublier celui du 11 septembre, chacun campant sur ses positions. Pas un seul n’envisage l’exemple de l’histoire roumaine...

Le spectateur non roumain finit par comprendre qu’ils sont là pour honorer la mémoire d’un défunt, en l’occurrence, le père de l’homme qui avait tant de mal à garer sa voiture et assiste, par procuration, au repas de famille.

Un pope débarque, qui bénit les plats. Et les choses se compliquent.


 


 

Une métaphore de la maison Roumanie, toujours hantée, après un quart de siècle, par le spectre du Conducator. On le dirait bien, car le temps fait du sur-place : on ne parvient jamais à passer à table !


 

Les anciennes querelles ressurgissent, la vieille tante stalinienne y met son grain de sel, la maîtresse de maison réagit en coulisse, mais énergiquement. Au gré d’une plaisanterie sortie trop vite, une infidélité est découverte, suivie d’autres trahisons ; les portes claquent ; on pleure ; on crie ; on menace de se séparer à tout jamais.


 

La caméra est en plein milieu du capharnaüm. Elle occupe la place du mort précisément. Celle du spectateur, tour à tour amusé, horrifié, ennuyé peut-être, à la fois seul et pris dans la communauté de la salle obscure. Qu’il soit ému, captivé ou déconcerté, celui-ci ne peut se départir de l’impression qu’il est un intrus.


 

"Les sentiments que je souhaitais obtenir, c’était la curiosité, l’émotion, mais aussi une sorte de déroute de la caméra" déclare Puiu.

Est-ce ce cette déroute et ce malaise que le jury n’a pas supportés ?

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 374, été 2016

Sieranevada. Réal, sc : Cristi Puiu ; ph : Barbu Balasoiu ; mont : Alexander Akoka. Int : Branescu Mimi, Dana Dogaru, Marin Grigore (Roumanie-France-Bosnie-Croatie-Macédoine, 2016, 173 mn).

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