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Clash (2016)
de Mohamed Diab
publié le mardi 13 septembre 2016

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n° 374, été 2016

Sélection officielle Un certain regard au festival de Cannes 2016

Sortie le mercredi 14 septembre 2016


 


Au Caire, en 2013, deux ans après les grandes mobilisations de la place Tahrir, l’armée renverse Morsi, soutenu par les Frères Musulmans. Les manifestations des pro-Tahrir, comme celles des pro-Morsi sont réprimées, les manifestants, chrétiens, laïcs ou musulmans sont entassés indistinctement dans des fourgons-prisons surchauffées.


 

Dans le panier à salade de Clash, les groupes se toisent.
Et, comme dans une prison - intérieur étriqué et laborieuses relations avec l’extérieur -s’installent les modes de survie composites. Les Frères sont très organisés, et, distinguant leurs cotisants de leurs sympathisants, ils régulent la pénurie d’air et d’eau, pour les leurs seulement, dans un premier temps.


 

Parmi les prisonniers, deux femmes seulement, une laïque autoritaire et une voilée, toute jeune. Son père ne voulait pas qu’elle sorte manifester mais elle a tenu à le suivre. Pour soulager leurs besoins, les hommes ont trouvé une bouteille. Mais la jeune femme, pudique, se retient, blêmissant de douleur, jusqu’à défaillir et laisser échapper ses cheveux, dans la fournaise du car, et à en émouvoir un jeune laïc de son âge du camps adverse. On devine que l’épreuve pourrait faire sauter les codes, la hargne et la pudeur.


 

Un autre fourgon blindé stationné à côté permet quelques échanges d’infos : certains connaissent déjà ce type d’emprisonnement. La liberté semble proche - trois marches pour sortir du fourgon - et cela pourrait être rassurant. Mais ces marches sont gardées par des jeunes soldats, familiers, mais armés. Chaque groupe apostrophe les soldats ou les manifestants pour réclamer de la bienveillance en proclamant qu’ils sont de leur bord. Le danger s’amplifie, la mort rôde, mais on ne voit pas bien d’où elle vient ni qui peut la dévier.


 

Avec Les Femmes du bus 678 (2010), Mohamed Diab s’était déjà approché du huis clos. Sa caméra circulait dans les maisons et dans les rues, mais le centre du récit et de l’enquête était dans ce bus, lieu privilégié de tous les harcèlements sexuels des femmes, métaphore de leur oppression et base de départ de la révolte.

Avec Clash, il récidive, en accentuant la contrainte, et avec ce qui pourrait être une pièce de théâtre classique (unité de lieu, de temps, d’action), dans une apparente simplicité. Mais dans ce cadre étouffant et compact, les spectateurs - occidentaux en tout cas - ne s’y retrouvent pas toujours.

Pourtant le film nous fait mieux cerner des situations qu’on devine assez réalistes : ce que produisent les guerres civiles, entre voisins, entre proches, entre coreligionnaires même, sur les lieux mêmes de la vie normale de la veille. C’est le côté documentaire de cette fiction qui est passionnant et extrêmement impressionnant.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n° 374, été 2016


Clash (Eshtebak). Réal, sc : Mohamed Diab ; sc : Khaled Diab ; ph : Ahmed Gabr ; mont : Ahmed Hafez ; mu : Khaled Dagher. Int : Nelly Karim, Hani Adel, Tarek Abdel Aziz, Ahmed Malek, Ahmed Dash, El Sebaii Mohamed (Égypte-France, 2016, 97 mn).



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