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Macadam Cowboy (1969)
de John Schlesinger
publié le mardi 13 septembre 2016

par René Lucquiaud
Jeune Cinéma n°43, janvier 1970

Sorties les mercredis 15 octobre 1969 et 14 septembre 2016.


 


Un jeune et naïf Texan, plongeur dans une cafétéria, las de tremper ses mains dans les eaux souillées de l’aliénation sociale, décide, un beau jour de "monter" à New York pour y faire fortune.
Ne lui a-t-on pas dit que là-bas, tous les hommes étaient des "demi-portions" et que les dames mûrissantes se disputaient un beau mâle tel que lui ?


 

Pourtant sur les trottoirs new yorkais, en dépit de ses bottes cloutées, de sa veste frangée et de ses chemises voyantes, le garçon ne fera pas recette et perdra vite ses illusions en même temps que ses économies. Il ira rapidement grossir la foule des clochards et des non-intégrés, tristes épaves de la société de consommation et finira par se prostituer d’une autre façon que celle qu’il avait prévue, réduit par la faim à mendier les hommages de ses efféminés qu’il méprisait tant.


 


 

À travers ce sujet et ce titre trop raccrocheurs pour être honnêtes, John Schlesinger a pourtant su donner une vision de l’Amérique actuelle qui tranche avec les images stéréotypées que nous en recevons d’habitude. C’est l’Amérique des sans-logis, des truands minables, des "michés" et des travestis qui rôdent à minuit sous les néons de Broadway.

Amérique aussi de la solitude où le sourire, la main tendue, le désir de communiquer se heurte à l’indifférence égoïste de la foule.
On connaît peu de séquences plus atroces que celle qui nous montre un homme gisant sur le trottoir, malade, blessé, mort peut-être et que les passants contournent sans s’en préoccuper. Rarement on nous a donné des images aussi cruelles que cette jungle des villes qui nous enserre peu peu et pas seulement en Amérique.

Il est dommage que la sincérité de ce témoignage soit rendue suspecte par toute une série de procédés employés gratuitement, sans doute pour faire moderne : flashes back ultra-rapides, caméra subjective, flous et virages de couleurs à rendre jaloux Lelouch et Albicocco.
Même quand ces procédés paraissent moins gratuits - pour décrire ironiquement la partouze chez les hippies de luxe, par exemple - (1), ils sentent toujours l’artifice et le truquage et tombent plus ou moins à plat.


 

Ce qui reste de plus valable dans ce film, outre l’intérêt quasi-sociologique du documentaire, c’est l’évocation de l’amitié qui naît entre notre cowboy de pacotille et le petit voleur italien tuberculeux qui l’a recueilli dans son taudis minable.
Ce personnage admirablement joué par Dustin Hoffmann, prend peu à peu la première place dans le film parce qu’il y apporte ce qui paraît indispensable à toute œuvre d’art digne de ce nom : la générosité et la chaleur humaine.


 

Sa mort dans l’autocar, alors que passe sur son visage, à travers la vitre, le reflet des palmiers de cette Floride dont il rêvait et qu’il ne verra jamais, est l’un de ces moments d’émotion trop rares au cinéma.
Fin mélodramatique ? Peut-être mais c’est le mélo qui finalement donne la seule note d’humanité dans cette peinture un peu trop complaisante de nos enfers modernes.

René Lucquiaud
Jeune Cinéma n°43 , janvier 1970

1. NDLR : Partouze, en effet, de grand luxe, puisqu’elle rassemble Viva, Ultra Violet, Paul Jabara, International Velvet, Cecellia Lipson, Taylor Mead, Paul Morissey, Paul Rossili. Le film a reçu de très nombreuses récompenses, dont trois Oscars.

Macadam Cowboy (Midnight Cowboy). Réal : John Schlesinger ; sc : Waldo Salt d’après le roman de James Leo Herlihy ; ph : Adam Holender ; mont : Hugh A. Robertson ; mu : John Barry. Int : Dustin Hoffmann, Jon Voight, Sylvia Miles, John McGiver, Viva, Taylor Mead, Paul Morrissey, Ultra Violet, Brenda Vaccaro, Barnard Hughes, Ruth White, Jennifer Salt (États-Unis, 1969, 113 mn).

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