par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 375-376, automne 2016
Sortie le mercredi 21 septembre 2016
Rare sujet que celui de la peinture dans la filmographie de Danièle Thompson, plutôt tournée vers les comédies, notamment l’écriture des nombreux et célèbres films de son père, Gérard Oury (La Grande Vadrouille, La Folie des grandeurs, Vanille fraise) et de plusieurs longs métrages depuis La Bûche (1999), qui connurent des succès notables.
Rare et ardu sujet que celui des relations longues, houleuses et riches, entre Cézanne et Zola, artistes aux personnalités fortes, que Danièle Thompson a portés à l’écran, avec une volonté manifeste de les rendre plausibles.
Exercice réussi : on y croit, emportés par le lyrisme de l’histoire, le filmage au plus près des personnages, traquant leurs gestes, leurs mouvements, leurs déplacements, l’expression de la violence des sentiments sur les visages de Guillaume Galienne, en Cézanne entier et impétueux, et de Guillaume Canet, en Zola intériorisé, profond et solide. Autant le peintre, d’origine bourgeoise, vit dans l’agitation la plus exacerbée, reflet de la difficulté de peindre et de l’inconfort qu’elle suscite, autant l’écrivain, d’origine modeste, est dans la plénitude de la pensée, la tranquillité d’esprit, à l’abri de tout besoin. Les mots échangés, qu’ils soient ceux, véridiques, de Zola, ou ceux écrits par l’auteure, soutiennent l’ensemble, décrivent une vie dédiée à l’art et à l’amitié.
Danièle Thompson a réussi son pari. Dans l’enthousiasme et la fougue, elle nous invite, au creux d’une intime amitié entre deux grands artistes, à comprendre l’enjeu d’un tel engagement. On y perçoit autant l’exaltation que la fureur de faire exister l’art, envers et contre tout. La scène de bagarre au Salon des Refusés est un morceau d’anthologie, amas de corps enchevêtrés dans le plus grand désordre, véritable composition picturale !
Guillaume Gallienne-Cézanne attache littéralement le spectateur, par l’acharnement et la persévérance qu’il déploie à peindre, comme par son humour et son charme.
Guillaume Canet-Zola à l’inverse, plus distancié, réservé et silencieux, est dans le retrait de la réflexion.
Voici deux portraits d’artistes aux destins croisés, au cœur d’une amitié hors norme, réalisés avec bonheur.
Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 375-376, automne 2016
Cézanne et moi. Réal, sc : Danièle Thompson ; ph : Jean-Marie Dreujou ; mont : Sylvie Landra ; mu : Éric Neveux. Int : Guillaume Gallienne, Guillaume Canet, Sabine Azéma, Alice Pol, Gérard Meylan, Isabelle Candelier, Déborah François, Laurent Stocker (France, 2016, 113 mn).