Autour de l’exposition Beat Generation, à Beaubourg (22 juin-3 octobre 2016).
Jeune Cinéma en ligne directe
* Journal de Huspuppy (22 juin 2016).
* Journal de Huspuppy (6 et 14 août 2016).
Tout le centre Beaubourg (Mnam, CCI, BPI, Ircam) célèbre la Beat Generation en une grande rétrospective (expo, concerts, films, lectures, colloque…) (22 juin-3 octobre 2016).
Commissaires : Philippe-Alain Michaud, Jean-Jacques Lebel.
La Beat Generation est née "à l’initiative" de William Burroughs, Allen Ginsberg et Jack Kerouac […], peut-on lire sur le site du Centre Pompidou.
On peut le dire comme ça.
Sauf qu’un mouvement de cette ampleur et de cette importance historique, c’est comme la révolution ou la grève générale, ça ne se "décrète" pas.
De toute la bande, seul Lawrence Feringhetti, le libraire, né le 24 mars 1919, est encore vivant. Les livres, ça conserve.
Ce soir, ouverture avec Burroughs :
* À 20h30 : William S. Burroughs et ses Secret Heroes (Charlie Parker, Miles Davis, Thelonious Monk).
Allez entendre aussi sur France Culture.
Centre Georges Pompidou, Galerie 1, Place Georges-Pompidou, 75004 Paris.
Pour patienter, voici quelques footages et autres cut up.
Beats On Film (trailer) from Cinefamily on Vimeo.
Et un vrai film de 25 minutes, Pull My Daisy de Robert Franck & Alfred Leslie, écrit et raconté par Jack Kerouac (1959).
Avec Mooney Peebles, Alan Gisnberg, Gregory Corso, Peter Orlofsky, Larry Rivers, Belriane, David Amram, Alice Neal, ally Gross, Denise Parker, Pablo Franck.
Émotion d’entendre la voix de Jack.
Et grande surprise de voir les débuts de Delphine Seyrig, qui se cache sous le nom de Beltiane dans le générique de fin.
Sa grande beauté.
Et, longtemps avant sa rencontre avec Chantal Akerman pour Jeanne D., en 1975, elle fricote déjà en cuisine.
Pull My Daisy from Altarwise on Vimeo.
Bon anniversaire, Andy Warhol (1928-1987).
88 ans aujourd’hui.
La commémoration annuelle du 6 août 1945 (Hiroshima) et du 9 août (Nagasaki), en 2016, 71e année, on la confierait volontiers à Bruce Conner (1933-2008).
Avec son film-manifeste, Crossroads (1976), sans un mot mais avec la musique de Terry Riley & Patrick Gleeson, Bruce Conner réalise une œuvre hypnotique, hallucinatoire, terrifiante et dérisoire à la fois, une métaphore de nos temps présomptueux.
Trois fois rien, quelques found footages traités au ralenti et montés presque ironiquement, pure beauté des nuages, des nuages qui passent, là-bas, des merveilleux nuages produits par des humains énigmatiques.
Trois fois rien.
Dans l’atoll de Bikini, depuis mars 1946, l’armée américaine fait des essais nucléaires. Même pas un an après Hiroshima, la décence ne fait pas partie de l’arsenal. Il s’agit de valider la puissance destructrice de la bombe A, il faut battre le fer pendant qu’il était chaud, hein, et 167 habitants, c’est facile à abuser et à déplacer.
Ça durera jusqu’en 1958, 67 explosions de bombes A et H, en situation, sur terre et en mer, avec des bateaux autour.
À la fin des années 60, on réalise que le taux de radioactivité est absolument incompatible avec toute vie humaine, ce sera confirmé en 1998. En 2010, l’atoll de Bikini sera inscrit au patrimoine mondial en tant que "symbole de l’entrée dans l’âge nucléaire" de l’Humanité.
Les essais de l’été 1946 s’appellent Opération Crossroads, "car il était évident que la guerre, peut-être même les civilisations, étaient arrivées à un point critique grâce à cette arme révolutionnaire" avait déclaré le clairvoyant vice-amiral Blandy.
Cet été 1946, le 1er juillet, a lieu la première explosion : c’est la bombe Able, surnommée Gilda à cause de Rita H. (le film était sorti en février 1946).
La deuxième explosion, sous-marine, a lieu le 25 juillet 1946, à 8h35 : c’est la bombe Baker, surnommée Helen de Bikini, entourée de huit bâtiments. Dont on ne sait pas si ce sont des factices pour test ou des vrais en bavures. Les essais, c’est fait pour identifier les erreurs.
En 1976, quand il est devenu bien sûr publiquement que les îles sont soit détruites soit inabordables à jamais, Bruce Conner s’empare des images d’archives de Baker (1), l’explosion du 25 juillet 1946, et en assemble les différents points de vue au ralenti. Le temps du court métrage se dilate dans la lenteur et la répétition, 37 minutes seulement pourtant, 37 minutes d’éternité.
Le film complet est sur Internet en streaming.
Un aperçu vidéo, pris à la Kunsthalle de Vienne, l’an dernier, à l’occasion du 70e anniversaire de Hiroshima, en donne une petite idée. Mais la BO de Riley et Gleeson y est inaudible à cause des autres bruits de l’expo.
Donc on ne peut que vous recommander d’aller le voir sur un grand écran, dans l’exposition Beat Generation à Beaubourg.
En août, il n’y a pas beaucoup de monde, on y est bien.
La vue sur Paris (et ses toits, dont certains sont déjà bleus) est incomparable, et la compagnie des vieux babas pacifistes buvant les paroles de Ginsberg, interviewé par Jean-Jacques Lebel et Alain Joubert, est réconfortante. Ils ne sont pas tous morts, leurs mélopées courent encore dans les rues.
Les commissaires de l’exposition ont eu la belle idée de justaposer au film Crossroads, un court métrage précédent de Conner, Looking for Mushrooms (1959), du temps où, avec Timothy Leary, ils attendaient au Mexique la fin du monde qui, de champignons en champignons, ne pouvait manquer d’advenir.
Bruce Conner est un des plus grands cinéastes dits expérimentaux.
À chaque monde, ses expériences, celui des soudards ou celui des artistes.
1. Baker est la 5e bombe atomique. Les précédentes : Trinity (au Nouveau-Mexique), puis Hiroshima, Nagasaki, Able.
Pour mémoire, le film de Lucy Walker, Countdown to Zero (2010) (Sundance et Cannes hors compétition) nous explique, juste en croisant les propos des experts, que, étant donné le nombre d’armes nucléaires stockées désormais sur la Terre, la facilité avec laquelle elles peuvent être déclenchées (même par inadvertance), la multiplication des terroristes et un manque absolu de réflexion sur la sécurité nucléaire du monde, la race humaine est en sursis, ce n’est qu’une question de temps.
Bob Dylan connaissait bien Allen Ginsberg (1926-1997), ils étaient amis.
Dans l’expo de Beaubourg, Beat Generation, une vidéo passe en boucle, celle de leur dialogue au cimetière. Ils y devisent sur la tombe de Kerouac, dans l’Edson Cemetery, South Lowell, Mass.
Ginsberg se souvient de la tombe de Baudelaire à Montparnasse. Il dit y a laissé son poème Howl, l’exemplaire édité chez Ferlinghetti. Quelques années plus tard, nous ne l’y avons pas trouvé.
Dans une autre salle, sur tout le mur, passe aussi en boucle, le clip vidéo de Subterranean Homesick Blues première image de Dont Look Back de D. A. Pennebaker (1965) - Album : Bringing It All Back Home (1965).
Ça se passe, dans une ruelle pleine de déchets, derrière l’hôtel Savoy à Londres.
Au fond de l’écran, à gauche, on voit Ginsberg qui discute avec Bob Neuwirth.
Le titre du blues est sans doute un clin d’œil au roman de Kerouac, The Subterraneans (1953).
On remarquera, à Beaubourg, que la chaise du "gardien" est vide.
Il n’est pas exclu que la personne ait disjoncté, contaminée par le mal du pays, à avoir ce blues lancinant dans les oreilles, toute sa journée de travail. Les voies des souterrains sont impénétrables.
Dylan connaissait moins bien William Burroughs (1914-1997) : "I don’t really know him - I just met him once. I think he’s a great man", dit-il.
Selon James Adams qui remercie beaucoup Jed Birmingham, ils se seraient juste rencontrés à Greenwitch Village en 1965.
Leurs deux self-portraits, celui de Burroughs exposé à Beaubourg (nd) et celui de Dylan (album, 1970) se font écho.
En bonus, Ezra Pound vu par Jean-Jacques Lebel en 1962.