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Mort de Louis XIV (la) (2016)
de Albert Serra
publié le mercredi 2 novembre 2016

par Nicolas Villodre
Jeune Cinéma n° 375-376, automne 2016

Sélection officielle hors compétition du Festival de Cannes 2016

Sortie le mercredi 2 novembre 2016


 


La Mort de Louis XIV de Albert Serra a été montré à Cannes hors compétition. La bande n’était pas le chef d’œuvre escompté, avec un scénario qui se résume au titre, une mise en scène - ou mise en place - minimaliste, qui consiste à tirer la binette de Jean-Pierre Léaud en Roi-Soleil agonisant. La production franco-catalano-portugaise a accouché d’un cinématon en HD, quasiment muet - les dialogues étant rares et banals à la fois.

Le film juxtapose un choix de plans fixes rapprochés allant du groupe de conseillers, de valets, de quémandeurs, de médecins et de curés au personnage central. En huis clos, dans une chambre à coucher barrylindonienne, éclairée à la bougie, délocalisée, sombre comme le Périgord noir, noire comme la fatale gangrène.

Le parti pris photopictorialiste de la proposition artistique de Albert Serra ne fait aucun doute - il a, à un moment, voulu réaliser une installation au musée. D’après Bernard Teyssèdre, c’est sous le règne du "plus grand des rois" que le coloriste Roger de Piles proposa le concept de clair-obscur qui supplanta le caravagisme en vogue. La série de tableaux à peine animés par quelques touches d’humour satisfera les amateurs de néoréalisme souhaitant prolonger le bon vieux temps de La Prise de pouvoir par Louis XIV (1966).


 

Chez Roberto Rossellini, déjà, le morbide (l’agonie de Mazarin) était là, sans tralala sur la piste sonore, sans lyrisme, sans effet expressionniste. Léaud the Last, le meilleur acteur français, encore vivant pour l’instant (avec Jean-Louis Trintignant, Michel Bouquet, Gérard Depardieu, Gaspard Ulliel), à la voix blanche et aux râles de ventriloque, au jeu antinaturaliste bressonien et artaldien, se contente d’être lui-même, sans velléité cabotine. Attifé d’une perruque qui lui donne un look Nanouk, cadré serré comme l’ambiguë diva warholienne de Mario Banana (1964), il est alimenté, tel un nourrisson, de biscotins essentiellement, réclame un verre en cristal pour biberonner de l’eau ou du vin d’Alicante.


 

Jean-Pierre Léaud a obtenu une Palme d’or honorifique pour l’ensemble de son œuvre et a permis au portrait de Albert Serra de remporter le prix Jean-Vigo - en raison de son adolescence farouche et perpétuelle.

Nicolas Villodre
Jeune Cinéma n° 375-376, automne 2016


La Mort de Louis XIV. Réal, sc : Albert Serra ; sc : Thierry Lounas ; ph : Jonathan Ricquebourg ; mont : Artur Tort. Int : Jean-Pierre Léaud, Patrick d’Assumçao, Irène Silvagni, Marc Susini (France-Espagne-Portugal, 2016, 105 mn).



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