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Histoire d’une mère (l’) (2016)
de Sandrine Veysset
publié le mardi 14 février 2017

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 378-379, février 2017

Sortie le mercredi 15 février 2017


 


Il y a tout juste vingt ans, Sandrine Veysset remportait auprès du public comme de la critique un succès éclatant avec sa première œuvre, Y aura-t-il de la neige à Noël ? Ses longs métrages suivants, Victor... pendant qu’il est trop tard (1998) et Martha… Martha (2001), ont été loin de provoquer le même enthousiasme. Elle revient aujourd’hui avec L’Histoire d’une mère, libre adaptation du conte éponyme de Hans Christian Andersen (1853).

La cinéaste reste fidèle au thème du lien maternel, à une forme de récit à la fois populaire et exemplaire et au terrain où celui-ci s’ancre, la campagne française, nullement idéalisée. Nous sommes en Touraine, la vie y est âpre, avec ses hiérarchies sociales bien marquées, ses secrets immémoriaux, ses notables et ses marginaux.


 

La protagoniste, une jeune femme de vingt ans s’appelle… Neige. Elle vit dans une ferme en pleine forêt avec sa grand-mère et son fils, un enfant de quatre ans qui ne parle pas. Ses rapports avec la matriarche, à demi sorcière, à demi bonne fée, sont loin d’être chaleureux, l’une étant jalouse de son autorité, l’autre étant bien décidée à assumer sa place. Entre elles, une absente : la propre mère de Neige. Est-elle morte ? Est-elle partie ? On croit apercevoir son visage sur une photo : c’est - encore un clin d’œil - celui de Dominique Reymond qui tenait le rôle de la Mère Courage dans Y-aura t-il... ?


 

Le récit d’Andersen avait déjà inspiré Fritz Lang pour Les Trois Lumières (1921), ce triptyque où une mère tente vainement d’infléchir la Mort qui vient lui ravir son enfant. L’art de notre auteure est de tisser le fil du fantastique et du symbolique sur cette chronique paysanne.
Le conte, mis en abyme, est lu à l’enfant à plusieurs reprises et représenté sous forme d’un théâtre de marionnettes. Il hante les rêves de la protagoniste et occupe l’espace du film.


 

La quête de l’héroïne se déroule dans la forêt même où elle est plongée, avec ses sous-bois labyrinthiques et son étang noir de menaces. Les personnages y deviennent des allégories. Leur diction se fait théâtrale. On songe à ces mystères médiévaux joués sur le parvis des églises.

Discontinu, parsemé d’ellipses et de non-dits, de passages d’une réalité à l’autre, le film de Sandrine Veysset a plusieurs niveaux de lecture : psychologique, psychanalytique, poétique, philosophique, religieux, peut-être.
Sous toutes ses facettes, il traite de la question universelle de la perte. Il inclut la dimension du miracle, ce qui en fait une œuvre singulière dans le paysage écranique actuel.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 378-379, février 2017

L’Histoire d’une mère. Réal : Sandrine Veysset ; sc : Sébastien Régnier, Sandrine Veysset d’après Hans Christian Andersen ; ph : Hélène Louvart ; mont : Mathilde Grosjean ; mu : Reno Isaac. Int : Lou Lesage, Catherine Ferran, Albert Geffrier, Ivan Franek, Dominique Reymond (France, 2016, 82 mn).

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