Le film est éprouvant et les rires qu’on a pu entendre ne cachent que difficilement un grand malaise. Certains ont voulu lui trouver une filiation avec "David Cronenberg qui aurait rencontré Riad Sattouf".

Ancienne élève de la Fémis, remarquée en 2011 pour son court métrage, Junior, Julia Ducournau propose, avec son premier long, un film d’horreur en demi-teinte, qui joue sur les codes du genre en les pervertissant, et c’est sans doute pourquoi Grave est si dérangeant.

Il faut dire qu’elle a déniché des actrices et des acteurs qui parviennent à rendre l’atmosphère gore particulièrement lourde. Mais il ne s’agit ni de cannibalisme, ni d’anthropophagie, plutôt d’une réflexion sur le désir charnel et le rapport au corps, si l’on dépasse l’anecdotique histoire des membres d’une famille de végétariens qui sont, paradoxalement, vétérinaires de père en filles.

Le film repose d’ailleurs sur ce postulat du tabou qui, enfreint, fait éclater la structure mentale. L’actrice principale, la jeune Garance Marillier, présente dans tous les plans, est à la fois terrifiante et parfaitement émouvante, et devrait trouver des rôles à la hauteur de son talent. Elle interprète la jeune fille de la maison, Justine, prénom sadien, 16 ans, qui va rejoindre sa sœur aînée dans une école vétérinaire où elle subira le châtiment d’un autre âge, celui du bizutage, qui va la révéler et lui faire découvrir les horreurs de la chair et de la jalousie.

Elle est entourée d’autres protagonistes tout aussi talentueux, Ella Rumpf dans le rôle de sa sœur ou encore Rabah Naït Oufella, dans un contre-emploi de jeune homosexuel doux et sacrifié. Sans oublier bien sûr Joana Preiss, Laurent Lucas ou encore Bouli Lanners dans une apparition étonnante.
Bref un film ambigu sur l’acte de chair dans la lignée de Claire Denis et son Trouble every day de 2001.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 374, été 2016

Grave. Réal, sc : Julia Ducournau ; ph : Ruben Impens ; mont : Jean-Christophe Bouzy ; mu : Jim Williams. Int : Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella, Laurent Lucas, Joanna Preiss, Bouli Lanners (France-Belgique, 2016, 95 mn).