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Grace de Monaco (2014)
de Olivier Dahan
publié le samedi 18 avril 2015

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection Hors compétition du Festival de Cannes 2014 (Film d’ouverture)

Sortie le mercredi 14 mai 2014


 


Entre la fusillade de Nice (l’attentat contre Hélène Pastor et Mohamed Darwich) (1) et l’annonce de la venue prochaine d’un(e) héritier(e) sur le Rocher sept fois centenaire, il fut plaisant de voir, in situ pour ainsi dire, la superproduction néohollywoodienne de Olivier Dahan : Grace de Monaco.


 

Présenté en ouverture - après le Gatsby de Baz Luhrman, on n’a plus peur de rien (2) -, le film a fait, des Inrocks à Nice-Matin, l’unanimité de la critique contre lui. Dans son billet d’humeur du samedi dans Libération, la facétieuse Marcela Iacub en a remis une couche ("ce film grotesque"), nous privant du même coup d’une bavette sur Welcome to New York, pour lequel son avis était très attendu. (3)


 

"Moi, j’ai adoré ça", nous déclara chez Freddy, devant un aioli, Charmai, en licence de gestion à l’université de Nice, un assez baraqué pour réguler, durant dix jours, les flux au Palais (du Festival). Eh bien, nous non plus, nous n’avons pas boudé notre plaisir. Devant la performance de la Kid(wo)man, aussi à l’aise en princesse qu’en héroïne de Schnitzler ou en Virginia Woolf. (4) Devant la belle Paz Vega, une Callas crédible et femme au bord de la crise de nerfs, ou devant une Carolinette, boulotte et circonspecte ("Maman, pourquoi tu pleures ?"), avant que la chrysalide ne se fasse papillon.


 


 

Les hommes sont moins convaincants, à part sir Derek Jacobi, le grand acteur shakespearien, en gentilhomme maître d’armes. Une mention également à André Penvern (le Grand Charles) qui n’envoie pas mal : "Je viens d’échapper à un attentat, je ne vais pas avoir peur d’une actrice".


 


 

Un prince coureur qui se range des voitures, un mariage arrangé par le Vatican, en la personne d’un révérend du Delaware qui doit aussi émarger à la CIA - on surveille le Paradis, fût-il fiscal -, bétonneurs yankees (le père de la mariée) contre Bouygues hexagonaux d’époque, mafia italo- irlandaise contre parrains pacas, elle aurait pu même être très efficace, cette entreprise quasiment brechtienne de rupture de l’illusion. La face cachée de Paris-Match.


 


 

Un cinéma de décillage comme celui qu’ont promu, dans l’Italie de la fin des années soixante, les Francesco Rosi et autres. Ils ne sont pas si fréquents, les films grand public qui évoquent les soubresauts d’une guerre d’Algérie qui n’en finit pas de finir.


 

Mais on sent le cinéaste de La Ciotat (Olivier Dahan), hanté par un autre crépuscule : celui, à peu de mois de la disparition de Marilyn, du star system, un thème abordé en 1982, sur un tout autre registre, par Carl Reiner dans Dead Men Don’t Wear Plaid. (5) Liz Taylor se consola en faisant bombance, dès le breakfast. D’autres - Audrey Hepburn, un peu plus tard - donnèrent dans l’humanitaire.


 

Fine mouche, la Kelly anticipa, dès 1962, le nécessaire recyclage. The show must go on. Elle opta non pour le petit écran mais pour le théâtre du monde, nous donnant la version, en diadème et chignon blond, du personnage médiatique qui remplaçait désormais, dans l’industrie du rêve, divas et étoiles du Septième Art.


 

Un mix de politique et people et dont le prototype fut, les brunes ne comptent pas pour des prunes, la future veuve Kennedy-Onassis. Grace fut ainsi à l’origine d’une lignée de premières dames, un rôle tenu, avec des fortunes diverses, par les Cécilia, Carla, Bettina (l’ex-épouse de l’ex-président de la RFA, démissionné pour affairisme, en pleine Berlinale 2012). Ou encore Ri Sol Ju, elle aussi chanteuse de bonne famille, aujourd’hui épouse du Baby Doc de la Corée du nord. Où s’illustrerait, on peut rêver, une Julie Gayet, déjà césarisée dans un second rôle. Mais que demande le peuple ?

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Il s’agit d’un fait divers qui a secoué la Principauté de Monaco : L’assassinat, à Nice, le 6 mai 2014, d’une richissime héritière d’un empire immobilier, Hélène Pastor, et de son chauffeur, Mohamed Darwich.

2. Gatsby le Magnifique (The Great Gatsby) de Baz Luhrmann a fait l’ouverture du Festival de Cannes 2013.

3. L’essayiste Marcela Iacub collabora quelques temps au journal Libération.
En 2013, elle connut la notoriété en publiant un essai, La Belle et la Bête, inspiré de sa relation avec Dominique Strauss-Kahn (accusé d’agression sexuelle à New York en 2011). Welcome to New York de Abel Ferrara (2014), est une évocation de l’affaire Strauss-Kahn.

4. Virginia Woolf dans The Hours de Stephen Daldry (2002).
Alice Harford dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick (1999) d’après Arthur Schnitzler.

5. Les cadavres ne portent pas de costard (Dead Men Don’t Wear Plaid) de Carl Reiner (1982).


Grace de Monaco. Réal : Olivier Dahan ; ph : Éric Gautier ; mont : Olivier Gajan. Int : Nicole Kidman, Tim Roth, Jeanne Balibar, Paz Vega, Derek Jacobi, André Penvern, Franck Langella (France, 2014, 103 mn).



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