par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Sortie le mercredi 20 septembre 2017
Julie Talon, pour son premier long métrage, le reconnaît : il est étonnant qu’une femme veuille faire de la boxe.
La réalisatrice ne pratique pas et ne hante pas les salles de sport. Après son très beau Comme si de rien n’était en 2013, qui racontait la lente dérive de Rose, sa grand-mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, la voici qui se retrouve à construire un documentaire sur un sujet dont elle ne connaissait rien au départ.
À l’occasion de repérages pour un autre projet, elle découvre dans une école de boxe thaï la seule femme de l’assistance, en tenue de boxeuse, et qui disparaît brusquement.
Continuant ses repérages, elle va de salle en salle, sans pourtant oublier ce visage féminin, jusqu’au jour où elle rencontre son entraîneur, Jean-Marie, qui deviendra, avec ses airs de Jiminy Cricket bougon, le second protagoniste du film, dans son propre rôle, au fin fond d’un quartier glauque de Vitry.
La boxe thaï est un sport de combat créé par les militaires au 16e siècle, période émaillée de conflits. On dit que grâce à cet art martial, les Thaïlandais ont réussi à repousser leurs assaillants birmans au 18e siècle. Selon une légende, Naï Khanom Tom, un soldat adepte de la boxe capturé par les Birmans en 1767, fut opposé à dix de leurs champions qu’il mit au tapis. Il devint alors un héros national, et les Thaïlandais lui rendent hommage chaque année à l’occasion de la Nuit des boxeurs.
En décidant de suivre la belle Laetitia depuis sa première victoire mondiale jusqu’à la seconde, Julie Talon a pris de gros risques : la boxeuse aurait très bien pu ne pas remporter le match qui clôture le film. Elle aurait pu jouer encore la fille de l’air, comme elle en a l’habitude. La cinéaste filme tout : le combat de Laetitia pour perdre du poids, ses velléités de tout plaquer encore et encore, la belle pudeur qui entoure cette mère qui élève apparemment seule son fils, et surtout sa fragilité, étonnante de la part d’une boxeuse professionnelle.
Au-delà des combats, c’est surtout un portrait de femme fragile et attachante qu’on nous offre. Souvent cadrée serré, d’abord avec ses tresses rasta, puis avec ses cheveux courts, Laetitia se donne à la caméra avec une franchise et un cran extraordinaires. Elle ressort embellie, dans ce combat quotidien qu’elle livre pour être la meilleure, après avoir tout laissé tomber après son premier titre.
Le film n’est pas à proprement parler un film sur le sport, mais autour du sport.
Il montre de façon éloquente la difficulté à devenir la meilleure, dans un milieu où il faut se confronter aux hommes.
On ne saura jamais pourquoi Laetitia a choisi ce sport où elle excelle. Mais tout le film se focalise sur sa beauté et sa dignité ; sa victoire finale est aussi une victoire pour la réalisatrice.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Laetitia. Réal, sc, mont : Julie Talon ; ph : Nina Bernfeld ; mont : Stéphane Mahet : mu : Mikaël Wookey (France, 2016, 80 mn). Documentaire.