par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 381, été 2017
Sortie le mercredi 4 octobre 2017
Ce film d’animation iranien est un petit bijou, tant sur le plan esthétique qu’idéologique.
Ali Soozandeh l’a réalisé en rotoscopie, avec de vrais acteurs filmés sur fond vert, puis retravaillés et peints dans des décors magnifiques et réalistes. Il nous propose une vision d’un Téhéran qui tente de déjouer les tabous, surtout sexuels, qui entravent la liberté des citoyens.
Après des recherches puisées aux meilleures sources, ses propres souvenirs et les réseaux sociaux, il s’est aperçu que l’Iran, dans son ensemble ne pensait en fait qu’à ça, en détournant les codes imposés par la loi.
Le résultat : un film poétique sur un monde absurde, aux règles drastiques (compensées par des passe-droits illimités), vu par les yeux d’un enfant muet dont la mère se prostitue.
Par l’humour qu’il développe, Soozandeh évoque Passeport à l’iranienne, le livre de Nahal Tajadod, tant la société iranienne se prête facilement à la comédie à l’italienne, avec son caractère comique où se mêle à une grande part de tragédie.
Allant encore plus loin dans la critique que le fameux Persepolis, Tehran Taboo dresse un portrait très fin, mais aussi très caustique, de la société iranienne, à l’aide d’images d’une grande beauté évoquant parfois les miniatures persanes. À l’heure où l’Occident oublie la force de la démesure et de la satire, il faut saluer le courage de ces créateurs muselés qui dénoncent avec force la brutalité de la corruption et de la dictature : "Pour moi, déclare Ali Soozandeh, le tabou de la sexualité est plus un problème social que politique. L’étroitesse d’esprit des gens est plus forte que le cadre légal."
Son film âpre n’est pourtant pas désespéré.
De là viennent sa force et sa nouveauté qui rejoignent la vision colorée que les enfants ont du monde qui les entoure.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 381, été 2017
Téhéran Tabou (Tehran Taboo). Réal, sc : Ali Soozandeh ; ph : Martin Gschlacht ; mont : Frank Geiger, Andrea Mertens ; mu : Ali N. Askin. Int : Elmira Rafizadeh, Zar Amir Ebrahimi, Arash Marandi (Alemagne-Autriche, 2017, 96 mn).