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Laissez bronzer les cadavres (2017)
de Hélène Cattet & Bruno Forzani
publié le mercredi 18 octobre 2017

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 18 octobre 2017


 


Après Amer (2009) et L’Étrange Couleur des larmes de ton corps (2013), les duettistes belges Hélène Cattet et Bruno Forzani nous présentent leur nouveau film, Laissez bronzer les cadavres, un titre dans l’esprit de la Série Noire, et pour cause : il s’agit de l’adaptation du roman policier éponyme de Jean-Pierre Bastid et Jean-Patrick Manchette qui inaugurait en 1971 le néopolar à la française.

Cattet et Forzani ont une prédilection pour les lieux qui sortent de l’ordinaire - on pense à la somptueuse maison Art nouveau fusionnant différents édifices de Bruxelles et de Nancy, la véritable vedette de L’Étrange Couleur…

Ici, c’est tout un village abandonné, avec église et cimetière faisant face à la mer sur les hauteurs de la côte corse, qui sert de décor. Dans ces ruines photogéniques s’agrège autour de Luce, la peintre, une petite communauté décadente.


 

À l’instar de Niki de Saint-Phalle, l’artiste attaque ses toiles le fusil à la main. S’y trouvent également un écrivain alcoolique et un trio pas très net qui, après avoir fait les courses, s’en prend à un camion de convoyeurs de fonds. C’est à peu près tout ce que l’on comprend de l’intrigue. Le reste n’est qu’un joyeux jeu de massacre autour du butin de 250 kilos de lingots d’or qui disparaîtront comme Le Trésor de la Sierra Madre. Le tout, sur des musiques de Ennio Morricone, de Christophe et de Stelvio Cipriani.


 

On voit le parti qu’un Tarantino aurait tiré d’un tel scénario : un thriller au carré mais somme toute académique.
Cattet et Forzani font un "à la manière de", à la fois hommage, pastiche et parodie des séries B cisalpines. Sans rechercher systématiquement l’effet comique à la Lautner, ils saturent leur film de renvois aux années 60 et 70, mêlant l’épouvante des productions cheap de Mario Bava ou de Dario Argento, le western spaghetti, le film d’espionnage (Goldfinger) - autant d’éléments pas si éloignés de l’univers foutraque de Manchette et Bastid -, voire à des références cinéphiliques plus anciennes (cf. les fourmis de Buñuel et Dali).

Le rythme frénétique est encore accentué, comme dans tout film de braquage qui se respecte, par le rappel régulier de l’heure s’affichant en gros chiffres rouges sur l’écran : histoire de créer du faux suspense. Les codes sont réappropriés, malaxés, pulvérisés par ces adeptes du second degré.


 

L’image est superbe. Les couleurs pop claquent comme des coups de feu. On pousse l’étalonnage et use de virages et teintages.
Certes, l’innocence foraine s’est évanouie et la fonction des effets picturaux n’est plus celle du cinéma premier. Laissez bronzer les cadavres a la beauté d’un acte gratuit. Sans être expérimental, il est un exercice de style qui détonne dans le mainstream. Pas un film de genre de plus, plutôt un genre devenu film.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Laissez bronzer les cadavres. Réal, sc : Hélène Cattet & Bruno Forzani ; sc : d’après Jean-Pierre Bastid & Jean-Patrick Manchette ; ph : Manuel Dacosse ; mont : Bernard Beets. Int : Marc Barbé, Bernie Bonvoisin, Dorylia Calmel, Stéphane Ferrara, Elina Löwensohn (France-Belgique, 2017, 90 mn).

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