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Carré 35 (2017)
de Éric Caravaca
publié le mercredi 1er novembre 2017

par Thomas Coster
Jeune Cinéma n°382-383, automne 2017

Sortie le mercredi 1er novembre 2017


 


Éric Caravaca eut une sœur, morte avant qu’il naisse, dont l’existence et la maladie lui furent longtemps cachées. À partir de témoignages, d’images d’archives et d’investigations, Carré 35 documente un non-dit familial avec une humilité touchante et une grande efficacité narrative, pour un film d’un peu plus d’une heure à peine.


 

Deuxième production (en douze ans) de l’acteur-réalisateur, le documentaire procède d’abord selon une remarquable économie de moyens. La parole y est parcimonieuse : les quelques témoignages (de la mère, du père, du frère, d’un cousin) vont droit au but, et l’importance donnée à la mère du narrateur (autour de laquelle s’établit peu à peu tout l’enjeu du film) contraste avec la retenue du narrateur lui-même, plutôt avare d’états d’âme.


 

Cette distance n’empêche pas une riche contextualisation, alors que l’histoire de la famille Caravaca est aussi une histoire de France : d’ascendance espagnole, les parents émigrent dans un Maroc colonisé, et le destin de Christine (la sœur) se mélange aux événements tragiques des années 1950.


 

L’alternance d’images d’archives, de photographies familiales, de retour sur les lieux à la recherche d’indices (le "Carré 35" étant le numéro de l’emplacement dans le cimetière marocain où, supposément, est enterrée Christine), permettent à Éric Caravaca d’élargir son sujet, et de donner à l’ensemble une interprétation psychanalytique plutôt judicieuse (les misères de la colonisation, comme le secret autour de la mort de Christine, étant assimilés à des formes de déni, des "cryptes au sein du moi"), quoique parfois peut-être un peu exagérée (certaines digressions sur le nazisme, ou certaines images d’abattoirs, aggravent parfois le propos en annulant le ton pourtant très modeste et personnel de l’œuvre).


 

La réussite de Carré 35 tient toutefois à sa progression.
Le film est bien davantage qu’un témoignage : il s’agit pour le narrateur de forcer l’aveu d’une famille, de donner corps à la disparue, et consiste donc en un effort palpable pour la recherche de la vérité, qui confère à ce documentaire très bref un sentiment d’urgence parfois très émouvant. Un film qu’il faut voir donc, ne serait-ce que pour la simplicité de son ton et sa forme originale.

Thomas Coster
Jeune Cinéma n°382-383, automne 2017


Carré 35. Réal, sc : Éric Caravaca ; sc : Arnaud Cathrine ; ph : Jerzy Palacz ; mont : Simon Jacquet (France, 2017, 67 mn). Documentaire.



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