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Western (2017)
de Valeska Grisebach
publié le mardi 21 novembre 2017

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 381, été 2017

Sélection officielle Un certain regard au Festival de Cannes 2017

Sortie le mercredi 22 novembre 2017


 


Coproduit par Maren Ade dans le sillage de Toni Erdmann, Western, long métrage de fiction réalisé par Valeska Grisebach, traite de faits et gestes bien réels ou, tout au moins, vraisemblables.
Une équipe d’ouvriers spécialisés allemands, motivés surtout par un salaire intéressant, débarque en terre inconnue, en l’occurrence un coin perdu de la Bulgarie, proche de frontière grecque, pour y poser les fondations d’une centrale hydroélectrique.


 

Deux mondes se rencontrent : celui des habitants du cru, des paysans restés au village, vivant encore avec les souvenirs de l’occupation nazie de leur pays et celui des nouveaux colons qui hissent haut illico le drapeau noir-rouge-or au sommet de leur campement.


 

Le héros principal se trouve en marge des deux commnautés : ancien légionnaire, il est revenu de tout, notamment des nationalismes, prétexte à tous les conflits.
Le chef d’équipe a pour seul souci le bon déroulement de travaux ralentis faute de matière première. L’oisiveté des ouvriers rappelle alors la pièce de Marieluise Fleisser, (1) Pioniere in Ingolstadt, que Fassbinder porta à l’écran. En détournant la répartition de l’eau, il se heurte de front à la population. Au contraire, l’ancien militaire communique aisément avec celle-ci. Il se lie avec un des exploitants agricoles qui lui confie une de ses montures en échange de cours d’équitation pour son jeune fils.


 

Le découpage temporel permet d’entrer dans les mille sources de conflit que recouvre l’apparente tranquillité des lieux.
Cette opacité se traduit à l’image par de nombreuses scènes nocturnes. Une menace sourd, qu’aucun signe particulier ne saurait annoncer. La conquête de l’Est est envisagée comme une ruée vers l’or. La scène de domptage du cheval de labour assimilé à un mustang, l’usage de l’arme à feu, le repos du guerrier au café ou dans le lit d’une belle traductrice justifient le titre ironique.


 

À partir d’événements prosaïques, la réalisatrice parvient à produire du suspense. La tragédie est évitée, mais de peu. La fête du village réconcilie ouvriers et paysans.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 381, été 2017

1. NDLR : La dramaturge allemande Marieluise Fleisser (1901-1974) a été à la fois révélée et éclipsée par le glorieux amant qu’elle eut à partir de 1922 et qu’elle largua en 1929, lui préférant sa petite vie de provinciale à Ingolstadt : le papillonnant Bertolt Brecht (1898-1956). Elle a raconté son histoire avec lui en 1963, dans son livre Avant Garde, traduit en français en 1981 aux Éditions de Minuit.
"Ne pas s’adapter et tenir bon quand même", destin classique des artistes femmes, qui ont la fausse chance de rencontrer un génie et refusent de rester dans son ombre. Elle a été redécouverte dans les années 1980 par le théâtre français et par les Allemands (Kroetz et Fassbinder notamment) et figure parmi les icônes féministes.

Western. Réal, sc : Valeska Grisebach ; ph : Bernhard Keller ; mont : Bettina Böhler. Int : Meinhard Neumann, Reinhard Wetrek, Syuleyman Alilov Letifov, Veneta Frangova (Allemagne-Bulgarie-Autriche, 2017, 119 mn).

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