home > Films > 12 jours (2017)
12 jours (2017)
de Raymond Depardon
publié le mardi 28 novembre 2017

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 381, été 2017

Sélection officielle hors compétition au Festival de Cannes 2017

Sortie le mercredi 29 novembre 2017


 


Suivant son procédé personnel, Raymond Depardon fixe aujourd’hui en 4K, pour l’histoire de France et celle du film du réel, une série d’audiences de malades internés “sous contrainte” en HP.
D’après les dispositions de la loi de 2013, en effet, des magistrats doivent contrôler, dans les douze jours suivant leur admission en service psychiatrique (en l’occurrence, celui de l’hôpital Édouard-Herriot de Lyon), la régularité de la procédure et avaliser ou non la poursuite des soins qui y sont administrés.


 

Alternant scènes de débat contradictoire entre patients assistés d’un avocat (parfois d’un curateur) et juges veillant au respect du cadre juridique, avec des vues prises hors huis clos, cette œuvre qui pourrait être qualifiée de janséniste du fait de l’insistance sur les visages (tous captés en gros plans fixes, sur le rythme binaire du champ-contrechamp) dépeint une galerie de douze portraits d’hommes et de femmes, gouvernés par des forces qu’ils ne maîtrisent pas.


 


 

Les dialogues sont truculents, en même temps que terrifiants. L’aspect théâtral est tel que l’œuvre relève du documentaire autant que du film de procès. Les répliques et les saillies pleines d’esprit ne paraissent pas toujours spontanées, mais préparées de longue main, apprises par cœur afin d’attendrir le juge et d’obtenir un bon de sortie. Ce qui, statistiquement, est improbable, une autorité renforçant l’autre.


 

De sinueux travellings dans des corridors étincelants de propreté décrivent l’espace pavillonnaire de l’hôpital.


 


 

Ce côté brillant ne dissimule pas les aspects moins reluisants de l’institution qu’analysa Michel Foucault, cité en exergue : les courettes grillagées où l’on tourne en rond comme lapin en cage, les barbelés dissuasifs pour ceux qui seraient tentés de faire le mur, la salle dite “d’apaisement”, les marques au poignet exhibées plein cadre par l’un des malades appelés à comparaître, les lits et les bracelets de contention - version moderne de la camisole de force - tous ces détails, insérés, mine de rien, au montage, font mouche.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 381, été 2017

12 jours. Réal, sc, ph : Raymond Depardon ; mont : Simon Jacquet ; mu : Alexandre Desplat ; son : Claudine Nougaret (France, 2017, 87 mn). Documentaire.

Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts