par Bernard Nave
Jeune Cinéma n° 384, été 2017
Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2017
Sortie le mercredi 10 janvier 2018
Naomi Kawase pratique un cinéma sensoriel : l’eau dans Still the Water, les saveurs dans Les Délices de Tokyo et aujourd’hui la vue liée à la lumière, pour ne parler que de ses films les plus récents. Ses films dessinent des contours doux, poétiques, tant elle explore des univers, des personnages qui ne peuvent se définir que dans une forme de subjectivité, celle de l’artiste en même temps que celle du spectateur.
Vers la lumière se situe dans cette secrète alchimie d’éléments qui se situent au cœur de ce qu’est le cinéma. Kawase n’a pas besoin de multiplier les personnages pour entrer de plain-pied dans son sujet.
Une jeune femme (Misako) qui écrit les textes d’audiodescription de films pour mal-voyants. Un photographe sur le point de perdre la vue (Nakamori), qui émet de vives critiques sur le texte proposé. De leur rencontre naît une mise en lumière de ce qu’ils sont l’un et l’autre, l’un par rapport à l’autre.
Dans cet échange, ils sont amenés à mettre à jour des choses plus intimes que le simple rapport de la transmission.
C’était déjà le cas dans Les Délices de Tokyo quand l’apprentissage de la fabrication de la pâtisserie débouchait sur la révélation de quelque chose de plus douloureux. Le passé des deux personnages vient tout naturellement combler les recoins de la narration, images et mots tissent un propos dans lequel la métaphore cinématographique se déploie sans emphase.
Kawase pratique par petites touches pour donner à l’allégorie de la lumière toute sa dimension poétique, profondément humaine.
Dès lors, le travail sur la lumière, qui chez d’autres pourrait paraître du pur esthétisme, devient la matière même du propos.
La musique de Ibrahim Maalouf s‘accorde à la douceur qui traverse le film, non une douceur mièvre, mais celle d’une rêverie, entre les yeux ouverts et les yeux mi-clos des personnages. Les nôtres aussi.
Bernard Nave
Jeune Cinéma n° 384, été 2017
Vers la lumière (Hikari). Réal, sc : Naomi Kawase ; ph : Arata Dodo ; mont : Tina Baz ; mu : Ibrahim Maalouf. Int : Masatoshi Nagase, Ayame Misaki, Tatsuya Fuji (Japon-France-, 2017, 101 mn).