par Nicolas Villodre
Jeune Cinéma n° 384, décembre 2017
Sortie le mercredi 10 janvier 2018
Ce film guatémaltèque de peu de moyens, tourné en HD par Julio Hernández Cordón, a mis du temps à se concrétiser, encore plus à trouver, en France, distributeur à son pied.
Il se présente comme un reportage sur un joueur de marimba, xylophone adopté par quelques pays d’Amérique latine à la fin du 19e siècle, dont l’utilisation tend à se raréfier en raison du remplacement des orchestres de danse par des enregistrements sur disques ou sur fichiers mp3, de l’électrification instrumentale à l’échelle planétaire mais, également, de son encombrement.
Il commence comme un documentaire et vire rapidement à la fiction, mouvement irrépressible, semble-t-il du 7e Art, aussi auteuriste veuille-t-il être, qu’il soit conçu pour le petit ou le grand écran.
Le réalisateur se focalise sur trois personnages, autant de pieds nickelés vivant en décalage dans une société elle-même bringuebalante, souhaitant poursuivre ou atteindre leur rêve artistique, l’un comme marimbiste professionnel, l’autre comme batteur-compositeur de hard rock, le dernier comme chanteur-promoteur du nouvel ensemble tentant d’hybrider le répertoire traditionnel avec des arrangements plus proches de notre époque.
De Guatemala, la capitale, on ne verra que peu de choses, mais ce peu, fait de plans bien composés, plastiquement attrayants, en dit beaucoup : des cafés, de petits commerces, des boutiques de dépôt-vente, un magasin de pièces détachées pour automobiles proposant des jantes d’occasion "presque neuves", des intérieurs simples, un terrain de sport, d’autres plus vagues.
D’emblée, on sent la pression. Sociale, économique. Et, ce qui va avec ou en découle : la criminalité, l’extorsion de fonds, la combine, l’usage de substances licites ou non. Les petits trafics en tous genres. Les trahisons pour de petits montants.
Le Ringo Starr local s’en sort mieux que ses comparses. Il vivote en faisant des remplacements comme médecin sans chercher avec son look à se faire une clientèle. Passé du satanisme à une secte religieuse inspirée du judaïsme, il s’y exprime en hébreu en lisant phonétiquement ses prêches. Le tourisme ne nourrissant pas son homme, les grands hôtels et les radios musicales renâclent à engager le pittoresque trio.
La qualité du film tient à sa simplicité même.
Les personnages ont une densité qui n’échappe pas à la caméra. Les dialogues sont réduits au minimum. L’humour est d’essence chaplinesque.
Le jeune comédien Victor Hugo Monterroso, kid (= Chiquilín) estropié par un camion, sorte de Djamel resté empêtré dans la mouise (depuis le tournage, il a été assassiné par un gang de racketteurs) est exceptionnel.
Roberto González, aussi illuminé qu’il paraisse, jouant (avec) son propre rôle de rock star, s’avère le plus réaliste des trois.
Le marimbiste taciturne, séparé de sa famille mise à l’abri loin de la métropole, qu’est (ou que représente) Alfonso Tunche, observe avec résignation l’évolution de son pays.
Nicolas Villodre
Jeune Cinéma n° 384, décembre 2017
Las marimbas del infierno. Réal, sc : Julio Hernandez Cordon. Int : Victor Hugo Monterroso, Roberto González, Alfonso Tunche (Guatelama-Mexique-France, 2010, 74 mn).