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Sid & Nancy (1986)
de Alex Cox
publié le mercredi 14 février 2018

par Alain Caron
Jeune Cinéma n° 178, janvier-février 1987

Sélection de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 1986

Sorties les mercredis 19 novembre 1986 et 14 février 2018


 


Les Sex Pistols furent un groupe punk qui, dans la seconde moitié des années 70, défraya la chronique par son nihilisme, ses outrances provocatrices et sa mise en lambeaux d’une rock music devenue aseptisée.


 

Le film tient compte de ces aspects, mais ce que Alex Cox a privilégié, ce sont les amours sulfureuses de Sid Vicious et de son amie Nancy, qu’il poignarda au Chelsea Hotel, avant de succomber d’une overdose juste avant son procès.


 

Cette histoire d’amour revisitée par un romantisme morbide possède la couleur acier d’une lame de rasoir. Cette passion sanglante témoigne de la douleur d’une génération perdue. (1)


 

Il ne s’agit pas d’un réquisitoire construit point par point, mais de l’affirmation animale d’une jeunesse pour laquelle les mots sont des barbelés concentrationnaires et qui s’exprime en se mutilant, en s’injectant dans les veines les secousses venimeuses de l’héroïne.
Après ses premiers plans provocateurs et superficiels (rôts, pets, vomissures), le film montre que l’horrible ne réside pas dans l’attitude de Sid et Nancy, mais bien dans la société policée, incarnée par le manager qui refuse de l’argent de poche à Sid. Ce dernier porte l’accusation la plus terrible : "Méfiez-vous, ce type est un violent." Les abus des Sex Pistols ne sont rien à côté des sévices en blazer et col blanc.


 

Cette Angleterre qui a offert au monde sa musique et à la drogue ses plus grandes stars, John Lennon, Eric Clapton, Cliff Richard, est clairement fustigée. Sid et Nancy sont allés jusqu’au bout de leurs noces avec Lady Heroine, et le mariage aura la couleur du suaire sanglant qui drape Nancy.


 


 

Le film ne fait pas l’apologie de la drogue, il donne seulement à voir et offre des pistes de réflexion. Le réalisateur cherche à retrouver le regard de Sid, et le monde vu par ses yeux ressemble à un cauchemar en forme de piège à futur. Les amours d’une pop star qui ne voulait pas devenir un Stones de l’an 2000 et d’une groupie qui voulait mourir jeune s’apparentent à une aorte sectionnée, qui n’en finit pas de gicler jusqu’au tressaut final. Ce que cette vision peut avoir de révulsif ne doit pas nous empêcher d’ouvrir les yeux afin d’essayer de comprendre.


 


 

Alex Cox signe là un grand film sur la musique, en évitant les pièges d’un tel sujet. Amateurs de clip-cinéma, ce film n’est pas pour vous.

Alain Caron
Jeune Cinéma n°178, janvier-février 1987

1. Sid Vicious aka John Simon Ritchie (1957-1979) ; Nancy Spungen (1958-1978).


Sid & Nancy. Réal, sc : Alex Cox ; sc : Abbe Wool ; ph : Roger Deakins ; mont : David Martin ; mu : The Pogues, Joe Strummer, Pray for Rain. Int : Gary Oldman, Chloe Webb, Andrew Schofield, Perry Benson, David Hayman (Grande-Bretagne, 1986, 112 mn).



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