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Tilaï (1990)
de Idrissa Ouedraogo
publié le dimanche 18 février 2018

par Anne Kieffer
Jeune Cinéma n° 205, janvier-féévrier 1991

Sélection officielle du Festival de Cannes 1990. Prix du Jury.

Sortie le mercredi 5 décembre 1990


 


Après Le Choix - mise en images de la misère africaine face à l’assistance humanitaire et aux solutions locales - et Yaaba - récit d’une amitié entre deux enfants et une vieille femme exclue d’une communauté villageoise -, Idrissa Ouedraogo, avec son dernier film, Tilaï, reprend sous des angles nouveaux la problématique essentielle de ses films précédents, à savoir l’affrontement entre l’Ancien et le Nouveau.


 

Tilaï est donc le dernier volet d’une trilogie. (1)
Sur un sujet banal - l’amour impossible entre deux êtres -, Ouedraogo parle encore des hommes et des femmes de son pays, confrontés aux contradictions internes d’une société où les archaïsmes de la tradition se heurtent aux exigences de la modernité.

Après deux ans d’absence, Saga revient au village. Sa fiancée, Nogma, est devenue la seconde épouse de son père. Les deux amoureux se retrouvent et deviennent amants. Le village les condamne. Le conseil des anciens décide que Saga doit mourir et désigne son frère Kougri pour venger l’honneur du père. Kougri laisse fuir Saga que rejoint Nogma. Loin de la campagne, ils vivent heureux jusqu’au jour où Saga apprend la fin prochaine de sa vieille mère et retourne au village. Là, un autre bras accomplit le geste vengeur.


 

Tilaï est un film sobre et beau où, avec retenue et discrétion, Ouedraogo met en scène la destruction d’une famille.
Comme dans la tragédie antique, l’amour est vaincu par la loi du groupe et justice est faite au fils qui se dresse contre son père et trangresse l’interdit. Dans Tilaï, le drame arrive à pas feutrés dans un espace grandiose et admirablement photographié.

Les acteurs principaux, dont beaucoup ont déjà tourné avec Ouedraogo, jouent avec brio. L’osmose entre eux et les habitants des villages de Koumbri et de Komsilga - acteurs secondaires et figurants - est réussie.


 

Outre son aspect universel, le film demeure une réflexion sur le sociétés lignagères de l’Afrique. Sur le lignage s’appuie un ordre économique et social qui ne supporte aucune remise en cause. Qu’un enfant du pays l’oublie est intolérable. La crainte de la déstabilisation renforce les rapports de domination au sein du village. Ainsi a-t-on pu parler de "totalitarisme sans État".

À la différence de Yaaba ou du Choix, Tilaï n’est pas un film d’espoir ni une fable mais un constat pessimiste. L’immobilisme engendre la mort des forces vives.

Anne Kieffer
Jeune Cinéma n° 205, janvier-février 1991

1. Yam Daabo (Le Choix, 1986) ; Yaaba (Grand-Mère, 1989) ; Tilaï (La Loi, 1990).

Tilaï. (La Loi Réal, sc : Idrissa Ouedraogo ; ph : Jean Monsigny et Pierre Laurent-Chénieux ; mont : Luc Barnier ; mu : Abdullah Ibrahim. Int : Rasmane Ouedraogo, Ina Cissé, Assane Ouedraogo, Roukietou Barry (Burkina Faso, 1990, 81 mn).

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