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9 doigts (2017)
de F.-J. Ossang
publié le mercredi 21 mars 2018

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 385-386, février 2018

Sortie le mercredi 21 mars 2018


 


Le long métrage de F.J. Ossang est un voyage opératique en noir & blanc tourné en pellicule argentique, mi-thriller, mi-film fantastique. Il actualise plusieurs mythes littéraires et poétiques ayant eu leurs avatars cinématographiques : on pense à l’Utopie de Thomas More, au Quart Livre de Rabelais (l’Odyssée de la Dive bouteille), aux expéditions d’Arthur Gordon Pym, à la perambulation de Moby Dick, au trip au cœur des ténèbres de Joseph Conrad et autres croisières de navigateurs. Le thème de la peste de Nosferatu est symbolisé par l’obsession des déchets radioactifs contemporains, convoyés d’un continent à l’autre.


 

Cinq bras cassés, recalés à leur braquage, se retrouvent embringués, pour ne pas dire embarqués, à bord d’un cargo, tentant d’échapper à la justice terrestre.
Ils sont liés comme les doigts d’une main (toujours amputable d’un doigt inutile, dit un des protagonistes). Tandis qu’une autre main, invisible celle-là, dirige le périple d’un mystérieux transport maritime de substances illicites (de… polonium) vers une destination inconnue.

Le film, quoique sonore, emprunte tous les codes du cinéma muet : jeu théâtral des comédiens, éclairages expressionnistes, paysages déréalisés de type pictural, ouvertures et fermetures à l’iris, intertitres séparant le récit en trois actes, eux-mêmes subdivisés en chapitres, effets spéciaux à l’ancienne (solarisation, images en négatif, mise en abyme du profilmique).


 

La photographie de Simon Roca est splendide. La mer est d’encre, les ciels ont la délicatesse d’aquarelles chinoises, jouant sur la matière changeante des éléments, la rocaille de l’îlot volcanique est minérale à souhait. Tout le film est nocturne, du souterrain embué des fuyards poursuivis par une voiture aux ambiances de soute du fantomatique vaisseau.


 

On connaissait le goût du poète punk pour le rock.
Ici la musique est surtout celle des dialogues, des citations littéraires, énoncées et rythmées pour leur valeur prosodique, celle des silences et d’une BO bruitiste. La musique du groupe MKB lie les éléments d’un puzzle, car de nombreuses ellipses et des pistes ouvertes, mais rarement poursuivies, égarent le spectateur qui serait à la recherche d’un sens dans ce labyrinthe.

Enfin, le casting réuni par Ossang est subtilement dirigé, cohérent, les têtes d’affiche (Pascal Greggory, Gaspard Ulliel) cohabitant avec les comédiens habituels (Elvire).

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 385-386, février 2018

9 doigts. Réal, sc : Frédéric-Jacques Ossang ; ph : Simon Roca ; mu : MKB. Int : Paul Hamy, Damien Bonnard, Gaspard Ulliel, Pascal Greggory, Alexis Manetti, Diogo Doria, Elvire, Lisa Hartmann (France-Portugal, 2017, 98 mn).



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