par Lucien Logette
Jeune Cinéma n° 381, été 2017
Sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes 2017
Sortie le mercredi 21 mars 2018
Annarita Zambrano avait signé un joli court métrage en compétition officielle 2013, Ophélia, fait avec des riens, deux gamins sur une plage déserte, le cadavre d’une ado noyée, installée sous une hutte de branchage. Le tout quasi muet, mais chargé de sens, jouant sur les gestes, la respiration des personnages.
Une manière qu’on retrouve ici, même si le sujet est autrement plus large. Plus large sans être ambitieux, ne cherchant pas à saisir dans son ensemble une réalité compliquée - rien de plus confus que la situation italienne du début du siècle et la liquidation mémorielle des années de plomb -, mais à la traiter à la juste distance, non en plan large (ce n’est pas Buongiorno, notte) mais en plan serré, à hauteur humaine.
Le film adapte des faits réels (on pense évidemment à l’extradition de Cesare Battisti) avec précision et honnêteté.
Nous sommes en 2002, lorsque le gouvernement français trahit la "doctrine Mitterrand". Le processus inéluctable (un attentat à Bologne dans lequel sa contribution est évoquée, faussement, mais le mal est fait), qui conduit l’ancien brigadiste réfugié à Paris à prendre le maquis, est montré sans romantisme.
La situation de Marini (Giuseppe Battiston est aussi remarquable que d’habitude) n’est pas présentée avec sympathie, mais comme un fait, analysable dans un cadre politique plus large. Et les personnages parallèles, sa fille, rôle le plus important du film, qui l’accompagne dans sa fuite, sa sœur et sa mère demeurées à Bologne, tous existent fortement, même en quelques plans (l’apparition de son ancien camarade de lutte).
Le récit est conduit sans événements dramatiques véritables, ce n’est qu’une course vaine. Mais chaque scène est construite sur l’attente et la crainte : on ne peut pas voir l’adolescente entrer dans une boutique, aller à la plage ou boire un verre sans redouter de voir la police surgir.
Il y a là, en mineur, un sens politique qu’on aimerait voir partagé par les homologues français de la jeune Italienne.
Lucien Logette
Jeune Cinéma n° 381, été 2017
Après la guerre (Dopo la guerra). Réal, sc : Annarita Zambrano ; sc : Delphine Agut ; ph : Laurent Brunet ; mont : Muriel Breton ; mu : Grégoire Hetzel. Int : Charlotte Cetaire, Giuseppe Battiston, Barbara Babulova, Marilyne Canto, Jean-Marc Barr (France-Italie-Belgique, 2017, 93 mn).