par Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection de la Mostra de Venise 2017
Sortie le mercredi 2 mai 2018
Seule femme en compétition officielle au festival de Venise 2017, Vivian Qu aborde la condition féminine par le prisme de la violence faite aux mineures, avec deux jeunes actrices remarquables. Un défi à la censure de son pays où la prise de parole via #me too ne se fait pas entendre.
Xiamen, une petite ville balnéaire sans charme, est le théâtre d’une affaire sordide de viol de deux très jeunes collégiennes dans un hôtel vieillot, isolé en bord de mer.
Mia, une adolescente sans papier, à la réception ce soir-là, en est le seul témoin. Elle a assisté, impuissante, à leur arrivée, restituée en quelques images de caméra de surveillance.
Invisible, le criminel exerce son pouvoir de nuisance et de corruption sur les familles des gamines. Vivian Qu démonte la mécanique sociale implacable qui pousse les différents acteurs du drame à lui assurer son impunité en étouffant l’affaire. Elle filme à la juste distance sans surcharge mélodramatique, une société dont la brutalité sidère.
Les parents de Lili cèdent au chantage et arrêtent les poursuites contre le financement des études de leur fille. Dans une scène d’une rare violence, Wen est battue et accusée par sa mère d’avoir cherché ce qui lui est advenu.
Hoa, l’avocate, est déterminée à se battre coûte que coûte pour Wen, dont le père est menacé de perdre son emploi.
Elle se heurte à la dureté cupide de Mia qui veut monnayer cher son témoignage pour se procurer des papiers d’identité auprès de jeunes truands proxénètes. Quand Hoa pense arriver à ses fins et damer le pion au lieutenant de police qui mène l’enquête, la décision d’un examen gynécologique de médecins assermentés tombe. La séquence glacée d’une précision clinique est un viol symbolique qui dénonce la prévarication de la médecine officielle. Et le visage de Wen en gros plan, comme hébété, inexpressif où l’on devine la douleur enfouie qui n’affleure plus.
En ouverture, le film s’attarde sur les pieds d’une gigantesque statue kitsch sur la plage, dont Mia caresse les ongles laqués et dont on aperçoit, en suivant son regard, la petite culotte.
À la fin du film, la statue en polystyrène, qui est transbordée sur un camion, s’avère être Marylin, "The Girl" de Sept ans de réflexion. Symbole ambigu de la féminité libérée et du corps réifié.
La robe blanche fait écho à celles des photos de mariage devant la mer, très en vogue. "Robe de mariée souvent sale et louée" dont les taches disparaîtront numériquement, comme le dit la réalisatrice, ce qui donne sens au titre du film, où elle exprime avec retenue son empathie avec les anges, Mia et Wen.
Figure centrale du jeune cinéma indépendant chinois, Viviane Qu, après des études aux Beaux-Arts de Pékin et un passage à New York, est devenue la productrice de Diao Yinan (1) et de Yin Lichuan (2). Elle s’est alors rodée au travail du montage et du scénario et… aux embûches financières et policières.
Son premier film Trap Street (2013) est une métaphore de la Chine en pleine mutation des territoires, d’une société de surveillance invisible et omniprésente.
Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe
1. Diao Yinan, réalisateur, notamment, de Train de nuit (2007), sélection officielle Un certain regard au Festival de Cannes 2007 et de Black Coal (2014), Ours d’or du meilleur film et Ours d’argent du meilleur acteur (Liao Fan) de la Berlinale 2014.
2. Yin Lichuan, réalisatrice, notamment, de The Park (2007), sélection du Festival de Mannheim 2007 et de Portraits de femmes chinoises (2008), sélection de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2009.
Les anges portent du blanc (Jia nian hua). Réal, sc : Vivian Qu ; image : Benoit Dervaux ; mont : Yang Hongyu ; musique : Wen Zi. Int : Wen Qi, Zhou Meijun, Peng Jing, Shi Ke, Le Geng, Liu Weiwei Mengnan Li (Chine-France, 2017, 107 mn).