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Trois visages (2018)
de Jafar Panahi
publié le mercredi 6 juin 2018

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 388-389, été 2018 (à paraître)

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2018

Sortie le mercredi 6 juin 2018


 


Assigné à résidence dans son pays, l’Iranien Jafar Panahi a fait parvenir à Cannes son dernier DCP.
Son œuvre se présente comme un conte persan dont l’argument est simple : deux adultes sont en quête d’une jeune fille ayant lancé un appel au secours via son smartphone à travers un clip vidéo mis en scène de façon macabre. Elle souhaite à tout prix devenir comédienne et demande à la vedette féminine d’une série télévisée populaire de l’aider à convaincre sa famille qui veut la marier.


 

La destinataire du message interrompt aussitôt son tournage en cours et propose à son ami Panahi de l’accompagner pour l’aider à régler cette question. Tous deux se rendent en 4x4 dans une contrée reculée du Nord-Est du pays, qui se trouve être la région d’origine du cinéaste - celui-ci en parle encore la langue, l’azéri.


 

Le spectateur voyage avec les protagonistes dans l’espace comme dans le temps, à travers un paysage aride et non encore défiguré. De petits fermiers vivent essentiellement d’élevage. Quoique pauvres, ils démontrent leur sens de l’hospitalité. Tous ces personnages secondaires expriment comme des sages ou des poètes, transformant les faits quotidiens en paraboles.


 

Si la modernité s’est peu à peu insinuée dans leur mode de vie ancestral, avec les téléphones portables et les antennes paraboliques, ils conservent le sens des valeurs et prennent tout leur temps pour accueillir ces hôtes de passage.


 


 

D’autant que la star de la télévision en fascine plus d’un. Le lointain médiatique devient familier comme par magie. Les villageois s’adressent à la comédienne comme si elle était une vieille connaissance ou une amie.
Le spectacle, thème principal du film, est abordé à travers trois figures féminines : celle, hors champ durant tout le film, d’une ancienne gloire des planches au temps du shah, vivant recluse et ostracisée chez elle ; celle de la potentielle actrice désirant être marrainée par ses "pairs" ; celle de la comédienne en activité s’interrogeant sur son métier.


 

Enfin, Panahi, joue lui-même son propre rôle.
Faussement oisif, il consacre en réalité son temps à continuer à tourner à l’aide de la façon la plus classique, la plus transparente, preneurs de son et d’images demeurant invisibles. Les petits riens du quotidien qui prolongent son enfance sont notés par l’observateur observé, celui-ci, par sa passivité même, influant sur le déroulement des événements.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 388-389, été 2018 (à paraître)

Trois visages (Se rokh). Réal, sc : Jafar Panahi ; sc : Nader Saelvar ; ph : Amin Jafari ; mont : Mastaneh Mohajer, Panah Panahi. Int : Jafar Panahi, Jafari Behnaz, Rezaei Marziyeh, Erteghaei Maedeh (Iran, 2018, 100 mn).



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