par Nicolas Villodre
Jeune Cinéma n°388-389, été 2018
Sélection officielle Cannes Classics du Festival de Cannes 2018
Sorties le vendredi 27 septembre 1968, et les mercredis 7 mars 2001 et 13 juin 2018
La projection du film de Stanley Kubrick, 2001 : L’Odyssée de l’espace, (en présence de son acteur principal, Keir Dullea, de la fille adoptive du réalisateur, Katharina, du producteur Jan Harlan (neveu de Veit) et du cinéaste Christopher Nolan, a constitué un des temps forts de la section Cannes Classics.
C’était une façon de célébrer le 50e anniversaire de la sortie de cette œuvre singulière, dans les conditions les plus proches de celles qu’ont pu connaître les spectateurs de l’époque.
La salle Debussy s’était équipée pour l’occasion d’un projecteur 70 mm. La copie fournie par Warner avait été tirée sur pellicule à partir des négatifs originaux conservés à Burbank, sous le contrôle de Ned Price, qui en a supervisé les travaux aux laboratoires FotoKem et avec la collaboration de Vince Roth, Kristen Zimmermann et Andrew Oran.
La bande image, qui avait été sauvegardée en 1999, était en bon état, naturellement décolorée, avec du retrait et quelques déchirures, le temps ayant fait son œuvre et la bande son originale était atteinte du syndrome du vinaigre. Mais, de la même manière que l’on n’a pas voulu toucher ou retoucher l’image, on n’a pas cherché à filtrer ou à corriger les six canaux audio qui la composent.
Après un engouement pour le numérique et pour les traitements dits de restauration, il semblerait que, comme dans le domaine de la peinture et celui de la pierre, les archives de films limitent maintenant les manipulations, les altérations, les conversions, les transcodages, les changements de support qui dégradent le film, en changent la nature et le contenu au lieu d’en garder l’aspect le plus fidèle à l’état d’origine.
Stanley Kubrick avait conçu 2001 avec l’écrivain de science-fiction Arthur C. Clarke dont la nouvelle La Sentinelle servit de point de départ. Il s’était, comme à son habitude, longuement documenté et avait visionné nombre de films de genre.
2001 a étonnamment bien vieilli, en raison du sérieux apporté à sa réalisation, des informations de première main recueillies par Arthur C. Clarke auprès de la NASA, du travail préparatoire de bénédictin, puis du tournage en Angleterre, aux studios Shepperton et Borehamwood.
Le laconisme du film l’ouvre à l’interprétation sans fin. Les dialogues sont réduits au minimum utilitaire.
Le voyage est surtout intérieur - trip signifiant aussi hallucination. Par le montage et l’ellipse, l’os devient arme et outil et vaisseau spatial. Le monolithe ressemble à un menhir, à une stèle funéraire, à la Kaaba, à l’unité centrale du Deep Blue d’Ibm par lequel l’homme - en l’occurrence Garry Kasparov - perdit, lui aussi, aux échecs contre la machine (1)
Nicolas Villodre
Jeune Cinéma n°388-389, été 2018
1. Il y a eu deux matchs, chacun de 6 parties d’échecs, entre Deep Blue et Gary Kasparov, en 1996 et 1997.
2001, l’Odyssée de l’espace (2001 : A Space Odyssey). Réal : Stanley Kubrick ; sc : S.K. & Arthur C. Clarke (d’après ses deux nouvelles À l’aube de l’histoire et La Sentinelle) ; ph : Geoffrey Unsworth et Gilbert Taylor ; mont : Ray Lovejoy ; déc : Tony Masters, Harry Lange et Ernest Archer ; cost : Hardy Amies ; mu : Richard Strauss, Johann Strauss fils, György Ligeti et Aram Khatchaturian. Int : Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester, Daniel Richter, Leonard Rossiter, Margaret Tyzack, Robert Beatty, Sean Sullivan, Douglas Rain, Alan Gifford, Ann Gillis, Ed Bishop (USA-Grande-Bretagne, 1968, 156 mn).