par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 388-389, été 2018
Sortie le mercredi 20 juin 2018
Catalina Mesa, née en Colombie, a fait ses études à l’étranger - Boston, Paris (Sorbonne, Gobelins, Fémis), Los Angeles (UCLA), joli cursus. En 2008, elle fonde à Paris la société Miravus qui produit son premier long métrage, Jericó, qu’elle est partie réaliser en Colombie, dont elle souhaiterait redorer l’image détruite par les cartels de trafiquants.
Elle est revenue dans la petite ville de sa grand-tante, Ruth Mesa. "C’est elle qui m’a donné le goût de la transmission orale. J’ai passé beaucoup de temps avec elle. Elle nous racontait son enfance à Jericó, le village des ancêtres de mon père. Ruth est la dernière de la famille à avoir vécu dans ce village."
Son documentaire est à l’image de Ruth : on y rencontre des femmes de Jericó, qui racontent leur quotidien, leurs amours, leurs malheurs, leurs espoirs, toujours avec le sourire et cette indéfectible joie de vivre des gens modestes.
Tout ceci filmé dans des intérieurs magnifiques, loin des clichés touristiques, qui donnent envie de visiter ce petit village perché dans les montagnes de la région d’Antioquia. Jericó offre un magnifique portrait de plusieurs femmes dans leur univers, fait de cuisine, de couture, de promenades, de rires, de prières, de parties de cartes, dans une petite ville vieillissante qui conserve le sens de l’humour et de la poésie.
Les intérieurs, les objets et les activités - le patchwork, métaphore des amours de la couturière -, évoquent le livre de Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, dont s’est inspiré Catalina Mesa pour son documentaire. La poésie est justement convoquée dès l’exergue, qui donne en partie son sous-titre au film ; s’y ajoutent les nombreux poèmes colombiens que la réalisatrice a utilisés pour donner au film son rythme.
Elle avait prévu de commencer chaque entretien par une citation poétique, mais cela aurait été, déclare-t-elle, redondant, car la parole des femmes de Jericó est déjà poétique en soi. Alors, elle a décidé de ne citer que Oliva Sossa de Jaramillo : "Mon noble Jericó est beau, enclavé dans la montagne, le mont touche l’infini..."
Poésie également que ce festival de cerfs-volants qui honorent le ciel de la ville pendant quelques jours autour de la statue géante du Christ. Ils représentent la liberté, l’envol, mais aussi la jeunesse et c’est par cette image sur ces enfants que Catalina Mesa a voulu conclure son film. "Tandis qu’Elvira Suarez se prépare à mourir, Laura apprend à construire son cerf-volant et à le faire voler. C’est la métaphore des cycles et des apprentissages de la vie…"
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 388-389, été 2018
Jericó, le vol infini des jours (Jericó, el Infinito Vuelo de los Días). Réal, sc, ph : Catalina Mesa ; mont : Loïc Lallemand (France-Colombie, 2016, 77 mn). Documentaire.