par Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection officielle Un certain regard au Festival de Cannes 2018
Sortie le mercredi 18 juillet 2018
Damas, mars 2011. La guerre n’a pas encore vraiment éclaté, mais elle est déjà là pourtant, en gestation, dehors.
Dedans, il y a les femmes, à leur place.
Dans l’appartement, elles sont quatre, la mère et ses trois filles, le père manque, ça manque d’homme, déchéance sociale inévitable.
Elles ne sortent guère, mais les bruits de la ville qui gronde leur parviennent, qu’elle absorbent. Deux sont étudiantes, et l’aînée, Nahla, tourne en rond entre la maison et la boutique de fringues où elle travaille, attendant, sans enthousiasme, un futur époux, émigré aux États-Unis, qu’elle ne connaît pas.
C’est elle l’héroïne. Secrète, teigneuse, mal dans sa peau, rêvant - normalement, comme encore toutes les jeunes filles -, d’impossibles amours.
Mais les autres femmes sont bien présentes aussi. Toutes sont intelligentes, modernes, reléguées dans un huis clos et dans la prison de la tradition, mais avec l’esprit indépendant. Une cadette ironise : "Enfin, l’homme tant attendu va venir. S’il veut une fille de son pays, qu’il se marie sous les bombes, alors."
À l’étage au dessus, il y a un bordel.
C’est là, dans cet autre lieu clos mais, celui-là, ouvert à tous vents,les interdits et les libertés, les fantasmes et les échappées, que Nahla, en cours d’apprentissage de son corps, va faire ses classes.
Dans ces tableaux d’un état privé des femmes syriennes, nulle mièvrerie, pas de chichis ni d’excès de féminitude. Les cloisons sont poreuses qui les séparent de l’univers public, les manifestations, la répression, les innombrables menaces. Elles sont à la fois la Syrie d’avant le basculement, et la Syrie d’aujourd’hui, détruite.
Et nous, qui connaissons la suite, nous les accompagnons avec une profonde amitié.
"Est-ce possible une femme qui ne pleure pas ?" se demande l’une d’elles.
Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe
Mon tissu préféré. Réal : Gaya Jiji ; sc : G.J., Zoé Galeron & Eiji Yamazaki ; ph : Antoine Héberlé ; mu : Peer Kleinschmidt. Int : Manal Issa, Metin Akdülger, Gaya Jiji, Ula Tabari, Wissam Fares, Saad Lostan, Mariah Tannoury, Amani Ibrahim (France, 2018, 96, mn).