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Desnos, Robert (livre)
Cinéma (1966)
publié le mardi 29 juillet 2014

par Andrée Tournès
Jeune Cinéma n° 20, février 1967

Robert Desnos, Cinéma, textes réunis et présentés par André Tchernia, Gallimard, 1966.


 


Les éditions Gallimard ont publié, en décembre dernier, les textes que Robert Desnos a consacrés au cinéma. Il s’agit d’articles écrits pour divers journaux et de quatre scénarios jamais tournés.
Tous les scénarios, tragiques ou burlesques, relèvent de ce "merveilleux moderne" qu’annonce le sous-titre du premier. On y retrouve les amoureux fous de ses poèmes, cette liberté d’allure dans l’espace et le temps, ces métamorphoses des objets et des êtres humains si caractéristiques des recueils des années 1927-1929, ceux de La Mystérieuse ou de Ténèbres. Cette boule qui roule sur les plages et pénètre les forêts, dans "Minuit à 14 heures" et "fait une ombre immense sur Paris", ce n’est ni Fantômas ni la sirène-étoile de Siramour, mais une vague menace qui détruit les amants, se fait boulet de canon, boule de croquet ou petit chat, comme un dessin de Émile Cohl.

Les articles rédigés entre 1924 et 1931 traduisent les haines et les enthousiasmes qui furent ceux du groupe surréaliste. Haine des chauvins qui refusent de reconnaître la grandeur du cinéma allemand ; haine des censeurs qui interdisent les films révolutionnaires et traquent l’amour ; haine de la discipline "qui désigne indifféremment les régiments du bagne, le martinet et l’idéal des médiocres rhéteurs qui défendent la tradition", refus aussi des littérateurs qui passent, aussi myopes que le scribe de Caligari dans les clairières où surgissent le rêve et la folie.

Au refus de la littérature, on devine que le cinéma n’est pas pour Robert Desnos une affaire de technique ("jamais une bonne photographie ne me fera admirer un scénario médiocre ou révoltant"), mais appel à la vie.
Et cette vie a divers visages : c’est Musidora qui "pénétrait le soir venu en maillot noir dans nos chambres d’adolescents", ce sont les galopades de Pearl White ou les grands vents de La Ligne générale, "qui mêlent les blés comme l’amant les cheveux de sa maîtresse."
Mais Robert Desnos évoque aussi des héros plus modestes et tout aussi révoltés, ceux qui font crouler les constructions de la logique, les créatures burlesques de Mack Sennett. Et l’on rêve après lui, d’un film inconnu qui, lançant dans la rue tragique de La Nuit de la Saint-Sylvestre ou l’asile de Caligari, Malec ou Zigoto, rendrait au burlesque ses lettres de noblesse et restituerait à la poésie l’unité perdue du comique et du tragique.

Andrée Tournès
Jeune Cinéma n° 20, février 1967


Robert Desnos, Cinéma, textes réunis et présentés par André Tchernia, Paris, Gallimard, 1966, 214 p.



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