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Benayoun, Robert (livre)
John Huston (1966)
publié le mardi 29 juillet 2014

par Andrée Tournès
Jeune Cinéma n°20, février 1967

Robert Benayoun, John Huston, coll. Cinéma d’aujourd’hui n° 44, Paris, Seghers, 1966.


 


Robert Benayoun vient d’écrire pour la collection Cinéma d’aujourd’hui, chez Seghers, un des meilleurs volumes de la série. Son John Huston est une étude remarquable par la richesse et l’honnêteté de son information, la vigueur des jugements portés, la souplesse de la démarche critique.
Écrite d’une seule coulée, l’étude générale suit le cours sinueux de la vie et de l’œuvre du cinéaste. Rien qui classe, étiquette, fige. Parfois un sous-titre émerge, sybillin souvent, "L’oiseau noir, l’homme blanc", "Call him Ismael", parfois transparent : "L’homme de lettres se rebelle". Un va et vient de l’œuvre à l’homme au travail éclairés l’un par l’autre.

John Huston apparaît au milieu de ses amis, de ses bouquins préférés, chassant l’éléphant en Afrique pour oublier le massacre de The Red Badge of Courage. Entre une blague de Humphrey Bogart et une moue de Katharine Hepburn, entre deux télégrammes de Dore Schary, au détour du récit, surgit alors l’œuvre, analysée simplement et avec précision. Qui connaît le film retrouve ses souvenirs, qui ne le connaît pas peut suivre le déroulement de l’œuvre et vérifier les jugements portés.

Plus significatif encore, le choix des documents qui constituent la deuxième partie du livre, et particulièrement les extraits, assez longs, de scénarios : Le Faucon maltais, Que la lumière soit, Moby Dick, African Queen.
Ils révèlent d’abord une grande qualité littéraire. Ayant accédé à la réalisation par son travail de scénariste, John Huston attache une très grande importance au scénario, qui devrait selon lui avoir une existence autonome.
Ils témoignent aussi de l’extraordinaire gamme de cet auteur, capable de passer du film de Série Noire à la fable métaphysique de Moby Dick, du récit picaresque de African Queen aux interviews-vérités des soldats traumatisés de la dernière guerre.
Ils soulignent également les préoccupations de Robert Benayoun. Ainsi le long extrait de Moby Dick fait écho à l’interview sur La Bible et met l’accent sur l’approche des grands sujets par John Huston. L’auteur défend La Bible comme il avait, presque seul à l’époque, défendu le très beau Freud, comme Positif et son équipe avaient défendu Moby Dick.
On peut être d’accord ou non avec l’interprétation de Robert Benayoun, soucieux de voir l’athée John Huston garder, dans La Bible, l’intention blasphématoire évidente dans Moby Dick, Et d’accord ou non avec l’interprétation psychanalytique qui fait de John Huston un "violeur de Sierra Madre", libéré précocement d’un complexe d’Œdipe par un épisode d’enfance.

Son livre en tout cas nous donne à suivre la démarche d’un homme à la recherche de lui-même et construisant, selon la belle formule finale, "une vie sans calcul, mais pleine de générosité, sans âge et d’un beau caractère."

Andrée Tournès
Jeune Cinéma n°20, février 1967


Robert Benayoun, John Huston, Paris, Seghers, coll. Cinéma d’aujourd’hui n° 44, 1966, 192 p.



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