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Commentaire n°101 (2003)
Pierre Barbin - Cinémathèque française
publié le jeudi 16 octobre 2014

par Alain Virmaux
Jeune Cinéma n°283, été 2003

Pierre Barbin, "Contribution à une histoire de la Cinémathèque française", Commentaire, n°101, printemps 2003

Cf. aussi Pierre Barbin (1926-2014).


 


Au moment où la Cinémathèque vient de se doter d’un directeur général tout neuf mais dûment programmé (1), on découvre avec étonnement que cette glorieuse institution n’a fait l’objet à ce jour que de très peu d’enquêtes historiques approfondies.

Si on met à part la thèse de Patrick Olmeta (2), il n’existe à peu près rien, et cette carence s’explique sans peine. Tout l’intérêt s’est focalisé jusqu’ici sur Henri Langlois et sur le psychodrame de février-avril 1968. Focalisation d’autant plus envahissante que la crise en question a été interprétée - non sans raison - comme "le" prodrome par excellence d’un certain mois de mai (celui justement qu’on nous invite aujourd’hui à condamner comme funeste). (3)

Trente-cinq ans plus tard, il semble qu’on puisse enfin évoquer avec sérénité, et sur le long terme, l’histoire mouvementée de la Cinémathèque française.
Comme y invitait l’édito du dernier numéro de Jeune Cinéma, on a lu avec un intérêt extrême la "contribution" donnée par Pierre Barbin à la revue Commentaire (n° 101, printemps 2003). Une douzaine de pages seulement, en attendant mieux, mais d’une grande densité.

Ce n’est pas un règlement de comptes. Pierre Barbin évoque au passage l’affrontement Malraux-Langlois, où lui-même fit fonction de fusible, mais sans s’y attarder démesurément. Il aurait été en droit d’en garder quelque amertume. Elle passe par une seule phrase, assez révélatrice : "Il est parfois ingrat d’être insomniaque au milieu des somnambules". Aucune âpreté, donc. Il salue même l’habileté tactique et manœuvrière de Langlois. Malraux, en revanche, ne sort pas grandi de ce minutieux exposé des faits : il fait figure de parfaite girouette.

La crise de 68 n’est qu’un élément d’une longue histoire qui démarre vers 1936 et se poursuit jusqu’à nos jours, non sans force soubresauts.
Le mérite de Pierre Barbin est de n’en pas faire un compte-rendu affectif ou passionnel, mais d’avoir pris le parti de la rigueur. Il s’est référé aux sources, aux textes, aux archives, et n’avance rien qu’il n’étaye sur des preuves concrètes, solides et dûment référencées. Ce qu’il rapporte du fonctionnement de la Cinémathèque sous l’occupation est très frappant. Elle avait été installée par les Allemands dans l’immeuble même de l’avenue de Messine qu’elle investira totalement après la Libération. Immeuble que les cinéphiles les plus anciens se souviennent d’avoir fréquenté avec ferveur au début des années 50 : il n’était pas rare d’y apercevoir Erich von Stroheim, par exemple.

Pierre Barbin ne vise donc pas à piétiner, à ébrécher un peu plus les statues. Il rapporte posément et sans fièvre ce qu’il sait et ce qu’une longue enquête lui a appris. On lui sait gré de sa mesure, nourrie par un long passé d’animateur (ciné-clubs, festivals de Tours et d’Annecy entre autres), et on attend avec grande curiosité le livre-somme qu’il nous promet sur cette institution aussi tumultueuse qu’irremplaçable. 4)

Alain Virmaux
Jeune Cinéma n°283, été 2003).

1. Serge Toubiana a été nommé directeur général de la Cinémathèque française en avril 2003. Claude Berri a été nommé président en septembre 2003. Les salles du Palais de Chaillot et des Grands Boulevards ont fermé le 28 février 2005. La nouvelle Cinémathèque française a ouvert ses portes le 28 septembre 2005, au 51 rue de Bercy, 75012 Paris. Cf. France Culture.

2. Patrice Olmeta, La Cinémathèque française de 1936 à nos jours, Paris, CNRS Éditions, 2000.

3. Au début des années 2000, il était de bon ton de dénigrer Mai 68 et de lui imputer tous les dysfonctionnements sociaux. Les innombrables célébration du cinquantenaire, en 2018, ont redressé la vision et ont fait l’objet de toutes les récupérations.

4. Pierre Barbin, La Cinémathèque française, 1936-1986 : inventaire et légendes, Paris, Vuibert, 2005.


Pierre Barbin, "Contribution à une histoire de la Cinémathèque française", Commentaire, n°101, printemps 2003



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