On craint le pire durant quelques minutes : encore un film sur la maladie d’Alzheimer, dont on va suivre l’évolution fatale, etc.
On se blinde pour supporter l’affligeant spectacle. Le mauvais esprit s’en mêle : Jean-Albert Lièvre est un documentariste animalier, talentueux et souvent récompensé, avec un regard patient et distant. Mais les humains sont des animaux spécifiques.

En définitive, on est emporté par le manière d’aborder la chose.

Il faut dire que le point de vue du réalisateur est celui du fils devant sa mère et qu’il n’épargne rien : le filmage au plus près, depuis la mise en maison, au pluriel, car la dégradation amène à choisir des lieux de plus en plus renforcés, où pour contrer la violence, on écrase le malade sous les calmants jusqu’à la dégringolade annoncée - grabataire sous perfusion.

Et puis s’impose la décision de la prendre en charge, dans la maison familiale corse, et de s’en occuper à temps plein, avec soignants adaptés.

Et c’est un miracle : le retour progressif à une vie, relative car privée de contacts oraux, mais notable.
Réapprendre à se nourrir, à marcher, à se baigner, à crayonner.

C’est étonnant, au point qu’on a peur de la voir disparaître. Et puis non, trois ans plus tard, elle est toujours là, de plus en plus vivante. Difficile de lâcher le film en cours de route, tant on participe à cette éclosion imprévue.

C’est extraordinairement galvanisant (et bien monté), surtout pour qui a été confronté à ce genre de situation, et même si on a conscience qu’il s’agit d’une malade privilégiée.

Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe (21 septembre 2014)

Flore. Réal : Jean-Albert Lièvre ; (France, 2013, 93 mn)