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Donbass (2018)
de Sergei Loznitsa
publié le mercredi 26 septembre 2018

par Lucien Logette
Jeune Cinéma, n°388-389, été 2018

Sélection officielle Un certain regard au Festival de Cannes 2018

Sortie le mercredi 26 septembre 2018


 


Il faut un certain temps pour s’apercevoir que Donbass est basé sur le principe de La Ronde, avec un personnage qui apparaît dans une séquence et sert de liaison avec la suivante. (1)
Il s’agit simplement d’une précaution rhétorique, d’ailleurs peu perceptible, pour donner un semblant de linéarité à cette succession de saynètes, panorama éclaté de l’état des lieux, ici la province jadis ukrainienne du Donbass, aujourd’hui occupée par les Russes.


 


 

Le problème pour le spectateur, c’est que s’il n’est que peu averti de la guerre locale - ici, tout se passe, sauf erreur, dans la république du Donetsk - et des forces en présence, il risque de ne pas voir une grande différence entre tous ces militaires.
Des séparatistes ukrainiens ? Des Russes - comme les trois qui refusent de se laisser photographier par le journaliste allemand ? Où est l’ennemi ?


 


 

En même temps, comme pour Dans la brume (2), on n’a pas besoin d’identifier les combattants : c’est une vision globale, métaphysique, de la guerre que Sergei Loznitsa recrée. Chaque séquence est remarquable, depuis l’initiale, avec la séance de maquillage des figurants - dans quel but, puisque le tournage est esquivé ? - jusqu’au massacre final, inexpliqué, absolument glaçant. Comme est glaçant le lynchage du "volontaire" ennemi, avec la lente montée des humiliations et de la violence.


 

La surprise est presque constante - le seau de merde sur la tête du maire, la maison peuplée de dizaines de réfugiés sans ressources traversée par une créature blonde en robe de cocktail qui leur apporte du caviar, l’emportement contre les grands-parents supposés "fascistes" de l’Allemand, le mariage grotesque.


 


 

Nul besoin d’une séquence fantasmatique comme celle de la fin de Une femme douce (3) pour plonger dans un univers visionnaire, sans effets : un plan fixe suffit pour donner toute son ampleur à une situation, comme la scène des trois porteurs de reliques et du responsable. Loznitsa ne joue pas la carte didactique, mais qu’importe.

Lucien Logette
Jeune Cinéma, n°388-389, été 2018

1. La Ronde de Max Ophüls (1950), d’après la pièce de Arthur Schnitzler, Reigen (1897).

2. Dans la brume (V tumane) de Sergei Loznitsa (2012).

3. Une femme douce (Krotkaya) de Sergei Loznitsa (2017).


Donbass. Réal, sc : Sergei Loznitsa ; ph : Oleg Mutu ; mont : Danielius Kokanauskis. Int : Valeriu Andriuta, Thorsten Merten, Boris Kamorzin, Irina Plesnyaeva (Alemagne-Ukraine-Pays-Bas-Roumanie, 2018, 121 mn).



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