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Girl (2018)
de Lukas Dhont
publié le mercredi 10 octobre 2018

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°388-389, été 2018

Sélection officielle Un certain regard au Festival de Cannes 2018. Caméra d’or 2018
Sortie le mercredi 10 octobre 2018


 


La question de la transsexualité n’est pas neuve - la redécouverte du cas de Herculine Barbin par Michel Foucault, en 1978, fut un événement, mais le changement de sexe demeurait chose exceptionnelle. Sa multiplicité récente ne signifie pas que le nombre en a augmenté, simplement que la honte, donc la dissimulation, est en train de disparaître et que le fait peut être documenté - Coby (1) l’an dernier, et bientôt Ti-gars, film canadien de Doris Buttignol (2).


 

Le traitement par la fiction est plus complexe, qui nécessite d’être abordé de façon fine avec un acteur lui-même dans l’entre-deux, afin que la crédibilité soit totale. C’est le cas ici, Lukas Dhont, réalisateur belge inconnu, ayant trouvé l’interprète parfait en Victor Polster, adolescente aux longs cheveux, délicate comme un personnage de Jean Giraudoux, qui danse, danse, danse jusqu’au martyre, comme les autres filles du cours.


 

En réalité, Lara est un garçon qui ne rêve que d’être danseuse et se soumet, avec l’aide de ses parents, aux traitements difficiles qui lui permettront de changer d’identité. Le réalisateur a trouvé la forme narrative la mieux adaptée, alternant montage court - le quotidien, les voyages en métro, tout ce qui se déroule hors de la salle de répétition -, et séquences filées - les longues scènes de danse, parfaitement insérées dans la durée, où il ne montre que l’effort et la souffrance de Lara (aucune chorégraphie d’ensemble).


 

En restant extérieur - jamais d’introspection, juste le désarroi et parfois le désespoir (la scène de dévoilement contraint devant les autres danseuses) -, le film touche constamment, sans une fausse note.


 


 

Le "triomphe" final de la féminité enfin obtenue est peut-être un peu trop positif - Girl aurait pu s’achever sur le magnifique plan du reflet brouillé, expression subtile de l’ambiguïté de l’adolescent(e).
Mais n’exagérons pas : le film a tout raflé Caméra d’or, prix Fipresci, Queer Palm et prix d’interprétation UCR et c’est justice.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°388-389, été 2018

1. Coby documentaire de Christian Sonderegger (2017). Sélection ACID au Festival de Cannes 2017.

2. Ti-gars (One of the Boys) documentaire de Doris Buttignol (2018).


Girl. Réal, sc : Lukas Dhont ; sc : Angelo Tijssens ; ph : Frank Van den Eeden ; mont : Alain Dessauvage ; mu : Valentin Hadhadj. Int : Victor Polster, Arieh Worthalter (Belgique-Pays Bas, 2018, 105 mn).



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