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Lindy Lou, jurée n°2 (2017)
de Florent Vassault
publié le mercredi 10 octobre 2018

par Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 10 octobre 2018


 


Dans le sillage de la jurée Lindy Lou, ce documentaire nous emmène en voyage dans l’espace et dans le temps. Une trajectoire de vingt ans qui remonte au procès de Boby Wilcher, 19 ans. Il était blanc et coupable d’un double meurtre. Les douze jurés se sont prononcés à l’unanimité pour le condamner à mort (1).


 

Elle a vécu ce moment comme une épreuve douloureuse, où elle s’est enfermée dans le silence. Une mise à l’épreuve aussi. Très croyante, elle pense qu’elle se devait d’épargner cet homme, en totale rupture avec la loi du talion, une conviction bien ancrée autour d’elle, dans un état de la Bible Belt. (2)


 

L’idée est venue à Florent Vassault d’aller à la recherche des autres jurés.
Avec Lindy Lou, ils ont parcouru l’État du Mississipi, la grande banlieue de Jackson, blanche et plutôt huppée, le comté réactionnaire de Rankin où siège le tribunal, la prison dans le delta, Natchez, le long du fleuve. Dans la salle du tribunal, elle a pu faire ressurgir les images qui s’étaient effacées pour revivre la prise de conscience fulgurante, au moment ultime, de la violence d’une sentence qu’elle aurait voulu refuser.


 

Lors de la rencontre avec les jurés, Lindy Lou fait appel à leurs souvenirs au sujet du verdict. Celui dont la mémoire flanche pense que la décision était juste, ce que d’autres confirment sans état d’âme. Linda, jurée n°12, avoue qu’elle n’aurait pas voulu être là, qu’il méritait la peine de mort, qu’il la terrifiait. Et on comprend qu’elle s’est identifiée aux victimes. Ces rencontres ont été construites au montage comme des scènes pour faire exister les jurés sans les trahir et mettre en valeur l’écoute de Lindy Lou. C’est dans sa voiture qu’elle laisse libre cours à ses réflexions. Les séquences en famille, où son opposition à la peine de mort ne fait pas l’unanimité, donnent la preuve des conflits traversés.


 


 

L’entretien avec Ken Branch, juré n°1 et président du jury, dans sa maison cossue, apporte un éclairage intéressant sur le fonctionnement de la justice. Il s’interroge sur les conditions dans lesquelles ils ont été amenés à se prononcer. Pour sa fille, il est évident qu’une telle décision ne lui appartient pas, ni à l’État, ajoute Lindy Lou. Comme un écho à la première scène où Lindy Lou convainc sa petite fille de 13 ans que condamner un homme à mort, c’est aussi se condamner.

Le film, qui ne se veut pas pas un plaidoyer contre la peine de mort, est remarquable ; les idées s’y incarnent pour élargir le champ de la réflexion. (3)

Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Dans un procès où la peine capitale est encourue, la question se pose en termes de I believe ("je crois"). Quelqu’un qui est opposé à la peine de mort est exclu du processus de sélection. 40% de la population américaine est ainsi exclue de ces "death qualified jurys". Dans le cas de Bobby Wilcher, le juge n’a présenté que les circonstances aggravantes, aucune circonstance atténuante. La peine de prison à perpétuité n’étant pas appliquée n’a pas été considérée comme alternative.

2. La Bible Belt est la zone du Sud-Est des États-Unis, comprenant, en gros, les États sécessionnistes, où une majorité de gens se réclament d’un fondamentalisme chrétien.

3. Il a été diffusé sur la chaîne publique américaine PBS. On peut lire les commentaires sur la page facebook du film.


Lindy Lou, jurée n°2. Réal : Florent Vassault ; sc : Cécile Vargaftig, Florent Vassault ; mont : Léa Masson ; mu : Alexis Rault (France, 2017, 84 mn). Documentaire.



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