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Impulso (2017)
de Emilio Belmonte
publié le mercredi 10 octobre 2018

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 10 octobre 2018


 


Le documentaire de Emilio Belmonte, Impulso, (1) est avant tout un hommage à la nouvelle star du flamenco, laquelle, avec Israel Galván, a pulvérisé les codes de cet art, la bouillante, brillante et fougueuse Rocío Molina.
C’est elle qui a appelé impulsos les improvisations de diverses durées auxquelles elle se livre, qui questionnent la représentation en célébrant paradoxalement le moment sacré de la rencontre musique-danse, aussi bien sur la scène théâtrale que dans un espace choisi - en juin 2016, par exemple, au lever du soleil, sur le quai Anatole-France, devant le musée d’Orsay.


 

On se souvient de la collaboration de Carlos Saura avec Antonio Gades, à partir de leur film de danse Carmen (1983), dans lequel la chorégraphie était scénarisée spécialement pour la caméra.
Emilio Belmonte procède autrement : il s’attache aux pas de la bailaora, l’accompagne durant plusieurs mois de l’année 2016 au pays natal et dans sa résidence au Théâtre de Chaillot, où elle s’apprête à donner sur scène une nouvelle pièce qui aura pour titre Caída del cielo. Il s’insinue peu à peu dans l’intimité de l’artiste en s’attardant dans un premier temps auprès de ses musiciens. Il la suit en coulisse, à la plage, à table. Jamais il ne l’interpelle directement et quand elle parle d’elle-même, le son est généralement disjoint de l’image.


 


 

La caméra, à force d’être présente, finit par se faire oublier.
Opérer avec une telle discrétion était probablement la seule façon d’approcher une personnalité farouche pour qui la pratique de son art implique un engagement total, une prise de risque existentielle. La relation de confiance a néanmoins ses limites. Rocío, petit bout de bonne femme au visage poupin, qui joue avec le costume de scène comme avec le genre - tantôt torera, tantôt Butterfly - conserve au bout du compte tout son mystère. Elle ne livre aucune confidence sur sa vie privée. Pour ce qui est du métier, tout y est analysé quoique certainement lissé par le montage - jamais la question de l’autorité n’y est posée, pas plus que celle des finances, jamais de querelle artistique ou autre entre elle et son staff.


 

Le film nous fait découvrir, par les beaux gros plans en HD, les détails qui nous échappent lors d’une représentation : la frappe assourdissante de ses talonnades, suramplifiée par la sono, l’audace de ses bonds et, comme l’exige le titre de la pièce, de ses chutes, ses jeux de physionomie où, en un éclair, le tragique se substitue au grotesque. La beauté de sa bata de cola immaculée avant la souillure.


 


 

Belmonte rend justice à la virtuosité de l’artiste et souhaite, avec ce document, faire d’ores et déjà œuvre patrimoniale. Toujours est-il que deux scènes sont particulièrement émouvantes, qui ont trait à la filiation. D’abord, le témoignage, sensible et sensé, de la mère de l’interprète, qui dit ne plus reconnaître sa fille lorsqu’elle est sur scène et même en avoir peur. Ensuite, l’apparition d’une vieille bailaora gitane, La Chana, qui, assise sur une chaise, exécute avec Rocío une série de tangos.

Le réalisateur n’use pas du plan-séquence, hormis son bref travelling avant, sans doute à la GoPro, avec Rocío faisant son jogging, revêtue d’un débardeur rose fluo orné d’un portrait de Carmen Amaya. La jeune danseuse a déclaré lors de l’avant-première : "Je danse ce que je vis, je vis ce que je danse".

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Ne pas confondre avec El Impulso de Federico Abelleira Torres (2007) ; Impulso de Antonio & Juan Castaño (2008) ; Impulso de Mateo Herrera (2009) ; Impulso de Paul Mateos Verdejo & Miguel Tejerina (2014) ; Impulso de Ilune Diaz (2017).

Impulso. Réal, sc : Emilio Belmonte ; ph : Dorian Blanc & Thomas Brémond ; mont : Matthieu Lambourion. Int : Rocio Molina (France-Esoagne, 2017, 85 mn). Documentaire.



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