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Procès contre Mandela et les autres (le) (2018)
de Nicolas Champeaux & Gilles Porte
publié le mercredi 17 octobre 2018

par Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 17 octobre 2018


 


Neuf hommes, Xhosas, Indiens, Juifs soudés dans le combat pour la démocratie, résolument solidaires. Ils vont renverser les chefs d’accusation pour faire le procès de l’apartheid. Ce procès politique de Rivonia, qui eut un retentissement international, bat en brèche la dénomination officielle "The State against Mandela & the others". Madiba, le jeune avocat pris pour cible - dont on célèbre le centenaire de la naissance - faisait partie d’un collectif fraternel d’une intégrité et d’une force morale à à toute épreuve.


 

L’été 1963, Mandela est arrêté avec le concours d’un agent de la CIA et plus tard, ses compagnons à Liliesleaf Farm, quartier général de la branche armée de l’ANC clandestine, dans un quartier de Rivonia près de Johannesburg. Inculpés de haute trahison et de complot envers l’État, ils encourent la peine de mort. Après le massacre lors de la manifestation pacifique de Shaperville en mars 1960, l’ANC a décidé de recourir au sabotage pour en finir avec l’apartheid mis en œuvre depuis 1948 par Hendrik Verwoerd, antisémite et artisan zélé de la suprématie blanche.


 


 

À la genèse de ce film, les archives des auditions exhumées et prêtées par l’Afrique du Sud à la France pour être numérisées. De ce matériel sonore inouï découle la forme, l’animation en noir et blanc de Oerd Van Cuijenborg relaie les images manquantes, au plus près des voix, de ce qui se joue.
C’est aussi la base des entretiens avec les ex-accusés, leurs avocats et leurs proches menés en Afrique du Sud. Replongés dans le passé, confrontés à leurs persécuteurs, Denis Goldberg, Ahmed Kathrada et Andrew Mlangeni se souviennent, et leur émotion perceptible nous bouleverse.


 

Au début du procès, les accusés pouvaient choisir entre plaider ou se soumettre aux interrogatoires. Le groupe a délégué Nelson Mandela pour prononcer le fameux plaidoyer (1), ce qui coupe court aux questions. Walter Sisulu, son mentor, subit la vindicte du procureur Percy Yutar qui persécute, humilie aussi Denis Goldberg, d’une famille juive communiste. On le voit épinglé par le trait de Oerd Van Cuijenborg déployant ses manches en ailes menaçantes. David Yutar décrit son père comme un homme religieux avide de pouvoir et de reconnaissance qui a servi de caution à l’état antisémite. Le procureur se justifiera de les avoir sauvés de la pendaison en plaidant le sabotage et non la haute trahison ; ce que réfute l’avocat George Bizos, ami de Mandela.


 

Au fil des auditions et des entretiens, on entend ce que signifie la politique raciale. Andrew Mlangeni raconte comment il aurait pu mourir étouffé avec un sac de toile sur la tête. Ahmed Kathrada alias Pedro d’origine indienne a la révélation en Europe de ne plus se sentir paria.


 

Winnie Mandela découvre le témoignage à huis-clos d’un "vendu", un camarade proche retourné par la police. Elle dit les trahisons, l’angoisse qui les tenaillait. La vie des proches en a été profondément affectée. L’amour de Sylvia Neame et de Ahmed Kathrada s’est brisé avec l’interdiction des couples mixtes.


 

Le mot d’ordre qui souleva la foule à cette époque, dont on entend la force par les voix de Winnie Mandela et de George Bizos : "Amandla" (Le pouvoir au peuple), "Ngawethu" (C’est nous) reste comme un rêve général. Nulle amertume, ni esprit de vengeance n’auront entamé ces résistants.

On ne peut que souligner la rigueur du travail de journaliste de Nicolas Champeaux, qui fut correspondant de RFI à Johannesburg, et celui de Gilles Porte qui a fédéré les talents de Aurélien Chouzenoux et de Oerd Van Cuijenborg.

Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. [...] "J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivent ensemble, dans l’harmonie et l’égalité. C’est un idéal que j’espère voir se concrétiser de mon vivant. Mais, Monsieur le Juge, si c’est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir".

Le Procès contre Mandela et les autres. Réal, sc : Nicolas Champeaux & Gilles Porte ; ph : Gilles Porte, dessin, anim : Oerd Van Cuijenborg ; mus : Aurélien Chouzenoux ; mont : Alexandra Strauss. Avec les ex-accusés : Denis Golberg, Ahmed Kathrada, Andrew Mlangeni ; les avocats : George Bizos, Joel Joffe ; les protagonistes : Winnie Mandela, Sylvia Neame, Tony Strasburg, Max Sisulu, David Yutar (France, 2018, 103 mn). Documentaire.



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