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Heureux comme Lazzaro (2018)
de Alice Rohrwacher
publié le mercredi 7 novembre 2018

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°388-389, été 2018

Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2018

Sortie le mercredi 7 novembre 2018


 


Alice Rohrwacher n’est pas encore une "abonnée" cannoise, mais l’annonce de sa participation avait éveillé quelques froncements, de la part de ceux, sans doute, qui avaient sifflé durant la projection des Merveilles (1), avant de modifier leur jugement après l’attribution du Grand prix 2014.


 

Le prix du scénario décroché par Lazzaro felice n’a pas révulsé les commentateurs - après avoir agoni Nadine Labaki, (2) il n’était pas facile de renâcler contre la seconde réalisatrice au palmarès. Ce n’est pas le tout de réclamer des femmes en sélection, encore faut-il accepter qu’elles soient récompensées.

Alors, "parabole christique" (1), l’histoire de ce ravi de la crèche, souffre-douleur d’une communauté, qui en deviendra le sauveur, après une disparition de dix années ?


 

S’il y a parabole, elle est lazaréenne, comme son titre l’indique, et peut-être pas si religieuse : si Lazare meurt, sa résurrection survient sans aide divine et il ne revient pas prêcher la bonne parole, simplement régler les problèmes de survie des quelques qui l’ont connu et qui sont dans la panade. Le regard qu’il continue à porter sur le monde est celui d’un enfant heureux que rien n’atteint.


 

Le film se divise en deux parties, l’une à l’ombre de L’Arbre aux sabots, avec son village de paysans asservis de façon quasi médiévale par une marquise grugeuse et ses parasites, l’autre dans la lignée de Miracle à Milan, en forme de conte de fée, pour une fois masculine. Entre les deux, la mort du héros, coup de théâtre remarquablement surprenant, et sa réapparition, tel un Rip Van Winkle qui n’aurait pas vieilli.


 

La communauté misérable du début, hors du temps des horloges, a éclaté et ses quelques survivants ont découvert le 21e siècle et sa misère aussi effroyable que la servitude ancienne. La force de la réalisatrice est de parvenir à rendre l’argument crédible et de faire surgir, sans solution de continuité, le merveilleux au cœur du réel le plus sinistre.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°388-389, été 2018

1. Les Merveilles (Le meraviglie) de Alice Rohrwacher (2014).

2. Pour son film Capharnaüm (2018), en sélection officielle, qui a obtenu le Prix du Jury, le Prix du jury œcuménique et le Prix de la citoyenneté.

3. Le Monde daté du 19 mai 2018.


Heureux comme Lazzaro (Lazzaro felice). Réal, sc : Alice Rohrwacher ; ph : Hélène Louvart ; mont : Nelly Quettier ; mu : Piero Crucitti. Int : Adriano Tardolo, Agnese Graziani, Alba Rohrwacher, Sergio Lopez, Nicoletta Braschi (France-Italie-Suisse, 2018, 125 mn).



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