par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe
Sortie le mercredi 21 novembre 2018
Pour son premier long métrage, Kim Ui-seok, réalisateur sud-coréen, évoque le désespoir de la jeunesse de son pays. Une jeunesse précipitée dès l’enfance dans une société basée sur la hiérarchie et la compétition à outrance, une jeunesse brisée et détruite, dépourvue de rêves et de désirs, formatée et condamnée à la réussite pour répondre aux souhaits des parents. Les statistiques tiennent la Corée du Sud comme le pays au plus fort taux de suicides du monde.
Tout commence au lycée, par la disparition d’une jeune fille. Le film s’organise selon deux mondes disparates, d’un côté l’institution au système éducatif rigide, intolérant et infernal dans ses cadences ; de l’autre, le monde des adolescentes totalement dépossédées de leur libre arbitre, un monde gouverné par l’autoritarisme qui les englue.
C’est un premier film très abouti et courageux dans son objectif d’exposer une situation sociale hors limite.
Kim Ui-seok réussit à montrer le décalage abyssal entre ces deux mondes, l’un directif et tyrannique qui oblige les jeunes filles à se sentir responsables voire coupables, l’autre qui se complaît dans une sorte d’abandon et de détachement. Face à la sévère rigueur ancestrale de la société s’érige, en contradiction, un monde jeune dépressif et somnolent.
Une brûlante culpabilité ronge Young-hee, au point de vouloir se dénoncer après la mort de son amie. Lors des funérailles de celle-ci, elle tente de se suicider, dans une scène d’une violence rare. La séquence des funérailles déploie quelque chose de l’ordre du pictural dans le mouvement des figures qui se lamentent, pleurent et prient dans un seul cadre quasi immobile, avec ces visages et les lents mouvements des corps, d’une grande beauté.
Kim Ui-seok fabrique un climat étonnant dès les premières images du film, avec ses personnages déambulant comme des ombres, dans un simulacre de vies parallèles, comme un grand sommeil qui se serait abattu sur la jeunesse.
Un portrait poignant, mais, sous-jacent, le procès à charge d’une société faussement démocratique.
Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe
After My Death. Réal, sc : Kim Ui-seok ; ph : Baek Seong-bin ; mu : Sunwoo Jung-a. Int : Seo Young-hwa, Go Won-hee, Lee Tae-kyoung (Corée, 2017, 113 mn).