par Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe
Pour les amateurs de polars, toutes périodes confondues, Claude Mesplède était la référence absolue.
Et ce depuis SN, Voyage au bout de la Noire (1), qui n’a jamais quitté notre rayon des usuels, accompagné des compléments et additifs qui l’ont suivi.
L’inventaire était exhaustif, les notices biographiques, même celle des plus humbles romanciers, débordaient de précisions, on avait enfin l’occasion de connaître le tout sur le tout, à travers une écriture enlevée et un point de vue bien personnel.
Si rien ne lui échappait dans le genre (il était aussi savant sur les auteurs du Masque ou des Presses de la Cité), la collection créée par Marcel Duhamel demeurait son terrain favori : les cinq volumes des Années Série Noire, qu’il dirigea entre 1992 et 2000, mirent un point définitif à l’exploration du sujet.
Vint ensuite le temps "du" Mesplède, comme on dit le Robert ou le Gaffiot : le Dictionnaire des littératures policières, en deux volumes (1856 pages la première édition de 2003, 2134 pages celle de 2007, les deux chez Joseph K) (2), qui écartait les murailles historiques du genre, œuvre collective mais tout entière marquée de son style et de ses prédilections.
Le seul défaut de l’ensemble : celui désormais de tous les dictionnaires historiques, d’être implacablement dépassé par le flot des parutions, en un temps où le polar est devenu une littérature sérieuse, coupée de sa dimension populaire d’origine. Car le lectorat a changé, ce n’est plus celui des temps héroïques où le genre n’était pas respectable.
Mais Mesplède, lui, n’avait pas changé : le polar demeurait à ses yeux une juste ouverture sur le monde véritable.
Il ne fut pas seulement un anthologiste faiseur de notices.
Il dirigea des collections, présida 813, l’association des amateurs de "lipo" (3), rédigea des préfaces et des postfaces, apparut partout où le culte était célébré.
Sans jamais devenir un mandarin : se prendre au sérieux n’était pas son fait et l’ancien syndicaliste CGT d’Air-France (il eut aussi un vrai métier) n’a jamais recherché les honneurs - la reconnaissance des amateurs lui suffisait.
Échanger une correspondance avec lui était un régal : entre deux lectures et deux déplacements, il prenait toujours le temps de répondre en quelques milliers de signes, avec le même brio et la même gouaille qu’il déployait dans ses textes.
Il manquera à tout le petit monde des passionnés insatiables. (4)
Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe
1. Claude Mesplède & Jean-Jacques Schleret, SN, voyage au bout de la Noire : inventaire de 732 auteurs et de leurs œuvres publiés en séries Noire et Blème. Suivi d’une filmographie complète, Paris, Futuropolis, 1982. Trophée 813 et Prix Maurice Renault 1983.
2. Claude Mesplède, éd., Dictionnaire des littératures policières, préface de François Guérif, Nantes, Joseph K., 2003. Seconde édition, préfaces de François Guérif et de Daniel Pennac, Nantes, Joseph K., 2007.
3. 813. Le rendez-vous des Amis des littératures policières
4. Claude Mesplède, conférence du 24 octobre 2015, Polar sur Garonne 2015. Ce jour-là, Mesplède cita Giono : "Je cache mes Séries noire derrière mes Pléiade pour pas qu’on me les vole".