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Timbuktu (2014)
de Abderrahmane Sissako
publié le mercredi 1er octobre 2014

par Gérard Camy
Jeune Cinéma n°360, été 2014

Sélection compétition officielle du festival de Cannes 2014
Sortie le mercredi 10 décembre 2014


 


Timbuktu a suscité un bel enthousiasme lors de sa projection. Dommage que le jury l’ait oublié dans son palmarès.

Ce film est un cri de douleur et de révolte, pour un pays, le Mali, confronté à l’horreur djihadiste.

"Le 29 juillet 2012 à Aguelhok, une petite ville du Nord du Mali, alors que plus de la moitié du pays est occupé par des hommes, dont la plupart sont venus d’ailleurs, s’est produit dans l’indifférence quasi totale des médias et du monde un crime innommable. Un couple d’une trentaine d’années qui a eu le bonheur de faire deux enfants a été lapidé jusqu’à mort. Leur crime : ils n’étaient pas mariés. La scène de leur mise à mort diffusée sur Internet par les commanditaires est horrible…. Et puisque maintenant je l’ai vue, je dois raconter dans l’espoir qu’aucun enfant ne puisse apprendre plus tard que leurs parents peuvent mourir parce qu’ils s‘aiment."

Cette scène, Sissako la reconstitue au plus près de la réalité pour montrer l’absurdité d’un monde d’intolérance.

Tombouctou est assiégée par les djihadistes.
Leur drapeau noir, leurs tirs troublent régulièrement cette grande ville du nord du Mali.


 

"Ces hommes venus d’ailleurs", habités par des certitudes religieuses insupportables, ne parlent même pas la langue du pays.
Mercenaires d’une loi islamique qu’ils ont façonnée, ils sillonnent la ville, détruisent, jugent, condamnent, fouettent, lapident, exécutent.
Musique, jeux de ballon, cigarettes, tout est désormais interdit.

Mais surtout, le voile magnifique des femmes du désert est remplacé par un hideux hijab noir avec les gants assortis. Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité.

"Porter des gants pour vendre du poisson ? Coupez-moi les mains tout de suite ", s’insurge une poissonnière du marché, dans un mouvement de révolte sans lendemain. Elle finira avec des gants noirs.


 

Non loin de la ville, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, sous sa tente, avec sa femme, sa fille et un petit berger pour son troupeau.
La langueur sans entraves, l’amour qui les unit contrastent avec l’atmosphère lourde et violente de la ville. Mais le destin tragique le rejoint bientôt.

Sissako réalise ici un plaidoyer émouvant et nécessaire au moment où les terroristes gagnent du terrain partout.

Malgré le tragique du constat, il ne veut pas sombrer dans le pessimisme ; la poésie lumineuse d’un match de football sans ballon nous rappelle que l’âme humaine ne peut pas disparaître sous les oripeaux d’une religion aveugle.

Gérad Camy
Jeune Cinéma n°360 été 2014

Timbuktu. Réal, sc : Abderrahmane Sissako ; sc : Kessen Tall. Int : Ibrahim Ahmed, Toulou Kiki, Abel jafri, Fatou Diawara (France-Mauritanie, 2014, 100 mn.)

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