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Ray & Liz (2018)
de Richard Billingham
publié le mercredi 10 avril 2019

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 392-393, février 2019

Sélection du Festival de Locarno 2018

Sortie le mercredi 10 avril 2019


 


Le réalisateur anglais Richard Billingham est connu d’abord pour ses photographies de portraits, à la fois réalistes et poétiques, ses œuvres figurent dans les musées de San Francisco et de New York, à la Tate Galerie de Londres, et il a été invité à la Biennale de Venise en 2001.

Dès les premiers plans du film et sans connaître au préalable son travail de photographe, lumière et composition sont d’une telle beauté que l’on s’interroge d’emblée sur la volonté marquée du réalisateur de travailler et de soigner ses images, au point d’en réaliser de véritables tableaux. Dans cet univers clos de l’appartement du Black Country, près de Birmingham, se joue une chronique de la vie pauvre d’une famille anglaise de la classe moyenne.


 

Richard Billingham fabrique, par la reconstitution précise des scènes, des personnages, des dialogues et des atmosphères, une véritable biographie de son enfance difficile et cruelle et parvient par le travail sur l’image, à la métamorphoser en quelque chose de sublime.
Curieux paradoxe et étrange mélange des genres, où cohabitent dans la violence des sentiments et des gestes, la douceur docile et suave d’une famille présente, malgré tout. La lenteur des plans, la presque fixité de quelques-uns, figurant le flottement d’un voile à la fenêtre ou le motif d’une fleur sur la robe de Liz, accentuent le climat de suspension du temps, comme si celui-ci n’avait aucune prise sur le réel, agissant comme un continuum insensé et inéluctable.


 

Les acteurs ont une présence étonnante, Liz surtout, qui remplit par sa stature spectaculaire, le cadre tout entier, par de gros plans sur des fragments de son corps, notamment sur son abondante poitrine ou sur ses bras couverts de tatouages.
Jason, l’enfant qu’était sans doute Richard Billingham, endurci par la rudesse des parents, est muré dans une solitude profonde dont il s’échappe fort heureusement grâce à sa force de caractère et à la découverte d’un autre monde, l’amitié.


 

Le réalisateur excelle à évoquer la pauvreté, celle qu’il a connue où le lieu de vie prend une teinte vieillie et sale, où la barbarie revient à la moindre occasion dans le langage et la pensée, avec l’allusion ambiguë au nazisme et à l’extermination des Juifs. À cet écart de langage fortuit ou volontairement provocateur, correspond une violence gratuite faite aux personnages les plus perdus et inoffensifs, tel le doux Lawrence, venu garder son neveu Jason, ou encore la perruche en cage recevant le contenu d’une tasse de thé chaude.


 

Il y a dans le récit de Richard Billingham, un goût pour exprimer le quotidien dans sa banalité, comme un désir certain de le banaliser encore davantage et faire que les événements ne soient finalement pas plus importants les uns que les autres, telle par exemple une bagarre sanglante et une partie de puzzle.
Ray & Liz est un film vériste sur l’enfance solitaire et pauvre de l’auteur et qui surprend par ses qualités esthétiques, formelles et humaines.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 392-393, février 2019


Ray & Liz. Réal, sc : Richard Billingham ; ph : Daniel Landin ; mont : Tracy Granger. Int : Richard Ashton, Michelle Bonnard, Sam Dodd, James Eeles, Sam Gittins (Grande-Bretagne, 2018, 108 mn).



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